Auréolé de plusieurs prix, Lean on Pete évoque le parcours tourmenté d’un adolescent dans l’Amérique profonde. Il trouve un sens à sa vie en se liant d’amitié avec Lean on Pete, cheval de course en fin de vie.
Nous voici dans l’Amérique profonde, dans une petite ville de l’Oregon, au nord-ouest des Etats-Unis. Charley, 15 ans, revient comme chaque fin d’après-midi à la maison. Une femme en petite tenue, qu’il n’a jamais vue, sort de la chambre de son père pour préparer des œufs brouillés dans la cuisine. Son père, canette de bière à la main, lui tape dans le dos en lui proposant de s’attabler…
L’une des premières scènes de Lean on Pete donne le ton. Andrew Haigh, réalisateur anglais ovationné pour le film 45 years (long-métrage porté par Charlotte Rampling qui évoque le quotidien d’un couple britannique retraité), filme une Amérique méconnue, pauvre et isolée. Une Amérique façon western, où les pick-ups se parquent nonchalamment le long de grandes routes bordées de motels et de drive-in. Si le décor tient un rôle de premier plan, le sujet est centré sur le quotidien d’un adolescent solitaire et visiblement tourmenté. Charley n’a jamais connu sa mère et vit avec son père alcoolique, pas forcément méchant mais terriblement inconstant. Un petit appartement, peu de passe-temps, pas de futur, voilà son quotidien. Au hasard d’une rencontre, Charley déniche un petit job: il s’occupera des chevaux avant et après les courses de paris hippiques. Parmi les bêtes, un certain Lean on Pete, vieux cheval en fin de carrière…
Le faux rêve américain
Basé sur un roman de l’Américain Willy Vlautin, sorti en 2010, Lean on Pete n’est pas ce qu’on pourrait appeler un film rythmé et souriant. Avec un vrai sens du détail et des dialogues bien ficelés, le réalisateur décrit une sorte de parcours initiatique d’un adolescent, s’accrochant ça et là à des repères pour guider sa vie. Notre héros y rencontre des personnages paumés mais attachants, encaisse les chocs en tentant de garder espoir. L’une des bonnes surprises de ce long-métrage vient donc de Charlie Plummer, le jeune acteur présent sur quasi toutes les scènes de ce film de deux heures. L’acteur américain, que certains n’hésitent pas à voir comme le digne héritier de Brad Pitt, fut notamment auréolé du prix d’interprétation masculine au dernier festival de Venise. L’autre bonne surprise: la qualité de l’image. La caricature de l’Amérique profonde proposée par le réalisateur nous offre des paysages carte postale époustouflants. En fil rouge, il faut y voir une vraie critique du rêve américain. « J’ai en quelque sorte voulu filmer ce faux rêve américain », évoquait récemment le réalisateur Andrew Haigh. « L’Amérique a en quelque sorte raté le parcours de Charley. Malgré cela, Charley continue à garder cet espoir, très propre au rêve américain. Ce film évoque également la manière dont certains arrivent à quitter leur quotidien pour découvrir autre chose. » Ce drame sur la résilience en dit bien plus qu’il n’y paraît.
Géry BRUSSELMANS