Mgr Johan Bonny vient de parcourir la Syrie, tout seul, répondant ainsi à l’invitation de plusieurs amis, rencontrés lorsqu’il était responsable, à Rome, des relations avec les Églises orthodoxes en Orient, avant son ordination comme évêque d’Anvers. « Des villes entières sont dévastées », a-t-il pu constater.
Pendant les dix ans précédant son ordination épiscopale à Anvers, en janvier 2009, Mgr Johan Bonny a été responsable, notamment, des relations avec les Églises orthodoxes orientales au sein du Conseil Pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens. Il s’agit, entre autres, du Patriarcat syro-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient à Damas. « Ce n’étaient pas uniquement des contacts administratifs ou diplomatiques, cet engagement m’a aussi procuré des liens de réelle amitié« , dit-il. Les chrétiens d’Orient, entre autres en Syrie, ne remplissent plus l’agenda du prélat flamand, « mais ils n’ont jamais quitté mon cœur« .
Il est évident que l’évêque est donc toujours resté à l’écoute de ses amis en Syrie, depuis le début de la guerre il y a sept ans, mais il n’y était jamais retourné. « Fin de l’année dernière, mes amis dont le Patriarche Ignace Ephrem Karim II me faisaient savoir qu’ils auraient aimé que je vienne leur rendre visite, et que cela leur semblait possible du point de vue de la sécurité, non pas pour une large délégation mais bien pour une visite privée. C’est pourquoi je suis parti seul, et j’ai fait le voyage de Beyrouth à Damas, de Damas à Alep et d’Alep à Beyrouth en passant par Homs en taxi ».
Villes dévastées
Mgr Bonny a été profondément touché par ce qu’il a vu pendant cette semaine de voyage. « Non seulement des villages, mais des villes entières sont dévastées. Le centre-ville de Homs, par exemple, est grand comme celui d’Anvers et il ne reste que des ruines, il n’y ni portes ni fenêtres ni chauffage ni eau courante ni électricité. La ville d’Alep ou je suis allé à six reprises avant la guerre, était une ville multiculturelle et multireligieuse passionnante; aujourd’hui, elle est totalement rasée et à moitié dépeuplée, car après leurs études, les hommes sont mobilisés jusqu’à 42 ans« .
La guerre semblait connaître une accalmie au moment où la décision de partir fut prise, mais elle a repris vigueur depuis. « Je n’avais jamais entendu une déflagration de près, mais lors de mon séjour chez le Patriarche, des bombes ont explosé à quelques centaines de mètres de nous« , raconte l’évêque. Mais pire encore que les bombardements et leurs dégâts matériels est le désarroi que Mgr Bonny a lu dans les yeux des victimes du conflit. « Les gens ont tout perdu. Des femmes avec des enfants essaient de survivre dans les débris. Des personnes âgées sont restés seules pour garder ce qui reste de leur propriété, pendant que le reste de la famille s’est enfui« .
Caritas International
Mgr Johan Bonny lance un appel aux chrétiens en Occident à soutenir Caritas International, « car c’est à peu près la seule ONG qui arrive encore à venir en aide aux habitants d’Alep et de Damas« . L’aide de Caritas International n’est évidemment pas limitée aux seuls chrétiens de Syrie, mais son lien avec les Églises locales permet à l’ONG de travailler là où beaucoup d’autres n’arrivent plus à se déployer.
L’évêque d’Anvers se dit aussi profondément déçu de la passivité de la communauté internationale. « Les médias nous montrent les combats, mais nous ne nous rendons pas compte de la dévastation totale du pays. Je ne comprends pas pourquoi les différentes parties concernées par le conflit ne font pas plus d’efforts pour mettre fin aux combats. Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement de déplorer ce que la communauté internationale omet de faire, mais aussi de dénoncer ce qu’elle fait! Comment est-ce de grâce possible? La Syrie est devenue le champ de bataille du monde entier« .
Benoit Lannoo
Photo: Des habitants de l’Est d’Alep expliquent leur désarroi à Mgr Johan Bonny (copyright diocèse d’Anvers).