Tournai : dix ans après, la croix byzantine reste introuvable


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Tournai : dix ans après, la croix byzantine reste introuvable
Par Service Communication Evêché de Tournai
Publié le - Modifié le
4 min

C'est une drôle de date anniversaire que ce dimanche 18 février 2018. Il y a dix ans jour pour jour, deux malfaiteurs s'emparaient violemment d'une pièce maîtresse du Trésor de Notre-Dame de Tournai, la Croix byzantine. Le chanoine Pierre-Louis Navez, conservateur de la cathédrale, revient sur ce vol rocambolesque.

croix byzantine chanoine NavezL'une des hypothèses les plus plausibles est que ce vol spectaculaire ait été commandité, peut-être par un collectionneur, un amateur d'art sacré averti. Mais le conservateur de la cathédrale, le chanoine Pierre-Louis Navez, pense que les exécutants ont sans doute commis une erreur. Ils ne se sont en effet pas contentés de subtiliser la croix pectorale de 20 cm sur 22, ils ont aussi emporté des bagues, des calices, d'autres croix. Toute une série d'objets dont la disparition a été largement médiatisée, documentée, ce qui n'a pas dû être du goût du commanditaire.

« À l'époque, le trésor n'était pas aussi étendu qu'aujourd'hui », nous explique le chanoine Navez. « Des vitrines dans la chapelle du Saint-Esprit abritaient notamment une exposition temporaire d'objets de la réserve, qu'on ne montrait pas habituellement, faute de place. Ces vitrines n'étaient pas protégées par des alarmes. »Le vol avait en tous cas été préparé, les cambrioleurs avaient effectué des repérages : « Ils ont fait des essais dans les semaines précédentes, les alarmes se sont déclenchées, ils voulaient sans doute voir de combien de temps ils disposaient pour emporter leur butin. »

Une valeur historique avant tout

Certes, la Croix byzantine, offerte au chapitre en 1225 par un chevalier hennuyer, a une certaine valeur « économique ». Mais c'est surtout un reliquaire à la valeur historique inestimable. Cette croix a énormément servi dans les relations entre la Cathédrale – le chapitre, l'évêque - et la Ville, dont les autorités prêtaient serment sur la croix. Par ailleurs, quand un souverain entrait dans la ville, il était invité à vénérer la Croix byzantine. Et puis la croix défilait chaque année dans les rues de la cité des Cinq clochers lors de la Grande procession. « Évidemment, c'est un petit objet, plus facile à voler, beaucoup plus manipulable qu'une châsse », note le conservateur de la cathédrale.

Le 18 février 2008, deux hommes armés, affublés d'un masque et d'une perruque, font irruption vers 10h30 dans la cathédrale. Deux sacristains sont présents, l'un d'entre eux essaiera notamment de s'interposer avec le balai qu'il tient à la main. Un touriste américain, ancien GI, se met lui aussi en travers de la route des voleurs en fuite, tout comme un groupe d'étudiants venus visiter l'édifice. Mais les malfrats ont fait vite et sans état d'âme. Après avoir fait voler les vitrines en éclats à coups de batte de base-ball, saisi quelques pièces du trésor et bien sûr la fameuse croix, bousculé et frappé au passage les personnes qui essayaient de les retenir, ils sont parvenus à rejoindre un complice qui les attendait dans une voiture, à la rue des Chapeliers.

Demande de « rançon »

Le chanoine Pierre-Louis Navez est aussitôt prévenu de ce braquage hors du commun. Comme il dispose de photos des objets dérobés sur son ordinateur, il peut les transmettre très rapidement à Interpol, qui à peine trois heures plus tard diffuse les images des pièces recherchées.

Quelques jours après le vol, un individu contacte l'évêché de Tournai et réclame une forte somme d'argent contre des informations. C'est ensuite le chanoine Navez qui est appelé, directement sur son téléphone portable. « J'ai d'abord cru à un plaisantin », avoue le conservateur. Philologue de formation et régulièrement confronté à des étudiants venus de toute la Wallonie lors de ses activités de professeur, il détecte chez son interlocuteur un accent pouvant provenir d'une zone comprise entre Ath, Saint-Ghislain et La Louvière. Un local, donc.

Les voleurs souhaitent revendre la croix au prix de l'assurance, 25 millions d'euros. Le chanoine Navez explique que le prix annoncé par l'assurance pour la croix ne correspond pas du tout à sa valeur réelle et est largement surfait car il tient compte de nombreux facteurs. De plus, les pierres ne sont pas commercialisables et la croix serait invendable en « morceaux ». Les auteurs du vol, qui se rendent probablement compte de la difficulté d'écouler le produit de leur larcin, veulent négocier.

« Je voulais des preuves qu'il s'agissait bien des voleurs. Ils m'ont d'abord envoyé une photo de la croix posée sur un journal, mais cela aurait pu être un montage. Alors ils m'ont recontacté et m'ont dit de me rendre au cimetière de Jurbise. Là, dans un buisson, il y avait trois des objets volés. Ils étaient abîmés et ils n'avaient plus de valeur pour eux », se souvient Pierre-Louis Navez. Mais la Croix byzantine, elle, n'a toujours pas refait surface...

(Photo de la croix en page d'accueil : © KIK-IRPA, Bruxelles, g002045)

croix byzantine posterAujourd’hui, un poster évoquant la pièce volée permet
aux visiteurs du trésor de la cathédrale Notre-Dame
de se faire une idée de la beauté de ce reliquaire d’origine orientale.

Catégorie : Diocèse de Tournai

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