RDC: le pape a choisi le futur successeur du cardinal Monsengwo


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RDC: le pape a choisi le futur successeur du cardinal Monsengwo
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
5 min

Le nom du futur archevêque de Kinshasa est connu. Le Saint-Siège a annoncé le 6 février que le pape François avait nommé Mgr Fridolin Ambongo Besungu (photo), archevêque coadjuteur de la capitale congolaise.

En pleine tension en République Démocratique du Congo (RDC), la nouvelle n'est pas passée inaperçue. La désignation de Mgr Fridolin Ambongo Besungu, jusqu'à présent archevêque de Mbandka-Bikoro dans la province de l'Equateur, au poste d’archevêque coadjuteur de Kinshasa pourrait passer comme une transition en douceur à la tête de l'archidiocèse. En effet, par ses nouvelles fonctions, l'archevêque coadjuteur épaulera le cardinal Monsengwo et sera appelé à le remplacer lorsqu'il démissionnera. Pour rappel, le cardinal Laurent Monsengwo, actuel archevêque de Kinshasa, est âgé de 78 ans et a donc dépassé la limite canonique de 75 ans, âge auquel tout évêque doit remettre sa charge à disposition du souverain pontife. Il est probabale que le cardinal Monsengwo ait envoyé sa lettre de renonciation en temps voulu, même si l'information n'a pas été confirmée. Mais son statut de membre du C9 - ce conseil des neuf cardinaux qui conseillent le pape dans le gouvernement de l'Eglise et la réforme de la Curie, de même que la situation en RD Congo, ont sans doute contribué à prolonger le mandat du cardinal congolais à la tête de l'archidiocèse de Kinshasa.

Vice-président de la CENCO

Né le 24 janvier 1960 à Boto dans le diocèse de Molegbe dans la province de l'Equateur, Mgr Fridolin Ambongo Besungu a suivi des cours de philosophie au séminaire de Bwamanda (Kinshasa), et de théologie à l’Institut Saint-Eugène de Mazenod de Kinshasa. Il entre dans l’Ordre des Frères mineurs capucins (OFM), prononçant ses vœux perpétuels en 1987. Ordonné prêtre le 14 août 1988, il enseigne ensuite la théologie morale à l’Université Catholique de Kinshasa. Avant d’être nommé évêque de Bokungu Ikela en 2005, Mgr Fridolin Ambongo a occupé le poste de supérieur majeur des frères mineurs capucins de RDCongo. Il a aussi présidé l’Assemblée des supérieurs majeurs en RD Congo (Asuma), ainsi que la Circonscription des Frères mineurs capucins en Afrique. Il a présidé la commission épiscopale "Justice et Paix", avant d’être nommé archevêque, toujours du diocèse de Bokungu Ikela, en 2016. Depuis juin 2016, il est vice-président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO).

Rappelons qu'un archevêque ou évêque coadjuteur assiste l'évêque diocésain de la même manière qu'un évêque auxiliaire. Mais il jouit en outre du droit de succession, lors de la vacance du siège épiscopal.

Le moment de cette désignation n'est sans doute pas anodin. Le cardinal Monsengwo est un opposant farouche au président congolais Joseph Kabila, mais il est aussi parfois critiqué dans son diocèse, sans doute en raison de son caractère "bien trempé". Certains

L'archidiocèse de Kinshasa est une "circonscription ecclésiastique complexe", selon le cardinal Fernando Filoni, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. Il compte environ 12 millions d’habitants, dont la moitié de catholiques. Il regroupe 143 paroisses, avec 239 prêtres et 4 séminaires. Outre une radio et une télévision catholique, il comprend également quelque 500 écoles diocésaines.

Une multitude de problèmes

Grande mégapole et capitale de la RDC, Kinshasa concentre également, selon le cardinal Filoni, "une multitude de problèmes humains, sociaux, politiques, religieux, pastoraux", auxquels s'ajoute une complexité supplémentaire liée à "l’hétérogénéité ethnique". On y dénombre en effet plus de 70 grands groupes ethniques.

Quel sera l'attitude du futur successeur du cardinal Monsengwo à l'égard du pouvoir congolais? Difficile à dire à ce stade, mais il faut souligner que la Commission Justice & Paix de RDC – qu'il a présidé - n'est pas tendre à l'égard du président Kabila et du pouvoir actuel. Elle dénonce régulièrement les dérives, les répressions et le fait que des élections n'ont pas été organisées, comme le prévoit la Constitution du pays, alors que le mandat du président actuel aurait dû s'achever en décembre 2016. Si Mgr Ambongo est bien sur la même longueur d'ondesque le cardinal Monsengwo concernant le président Kabila, il est probable que son style sera différent. Les rapports avec les autorités congolaises pourraient peut-être se détendre un peu, même si le nouvel archevêque coadjuteur partage les critiques de celui à qui il succèdera et de la CENCO. Pourquoi? Parce que le cardinal Monsengwo est jugé par le pouvoir comme étant trop "politique". Il avait en effet pris fait et cause pour feu Etienne Tshisekedi après le scrutin présidentiel de 2011, remporté par Joseph Kabila, estimant que les élections avaient été entachées de nombreuses fraudes, alors que les observateurs internationaux avaient déclaré que le scrutin s'était "globalement bien déroulé".

Précisons encore que Mgr Ambongo reste très sceptique quant aux promesses avancées par le pouvoir, dansla mesure où il a joué un rôle important dans les négociations qui ont abouti aux accords dits de la Saint Sylvestre en 2016; lesquels n'ont toujours pas été appliqués. Mais, le prélat n'hésite pas aussi à sermonner l'opposition divisée depuis le décès d'Etienne Tshisekedi. Il a aussi dénoncé, à plusieurs reprises, les « prédateurs qui pillent son pays depuis plus d'un siècle » et accusé les géants du secteur des télécoms, à propos de l'exploitation du coltan, minerais qui entre dans la composition de nos téléphones portables. Il leur a reproché de ne pas respecter les droits des populations locales et les conditions de travail de ceux qui extraient le coltan.

Enfin, en octobre dernier, Mgr Fridolin Ambongo, en sa qualité de vice-président de la CENCO, a rencontré avec le président de cette dernière, Mgr Utembi, Nikki Harley, ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, qui avait fait le déplacement à Kinshasa pour évaluer la situation. Les deux prélats, avec leurs confrères évêques, avaient insisté sur la publication "rapide" d’un calendrier électoral, "réaliste et précis". Entre-temps, la date du 23 décembre 2018 a été annoncée pour l'organisation des élections présidentielle, législatives et municipales.

J.J.D.

© Photo "Une": Vaticannews.va

© Photo: cenco.org

Catégorie : International

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