« Jusqu’à la garde » exprime les violences conjugales à travers la garde alternée d’un garçon de 11 ans. Un long-métrage réaliste et tendu, auréolé du Prix du premier film au dernier festival de Venise.
La fin d’une relation amoureuse n’est jamais simple à gérer. Surtout lorsqu’elle doit se régler devant la justice et qu’elle concerne également des enfants. Par le biais de son avocate, Antoine Besson (Denis Ménochet) demande la garde de son fils Julien, 11 ans, pour quelques week-ends. Son ex-épouse (Léa Drucker) s’est retranchée temporairement chez ses parents avec son fils, mais également sa fille, tout juste âgée de 18 ans et donc libre de faire sa vie. La loi est claire à ce sujet. Elle donne raison au père. Sauf que cette décision judiciaire fait abstraction des failles humaines. Visiblement dépassé par les événements, Antoine en veut encore à son ex-femme, soutire des informations à son fils, se montre insistant et franchit souvent la ligne rouge…
C’est le climat lourd et tendu d’une fin de relation qu’évoque le jeune réalisateur Xavier Legrand. Sans esbroufe et sans fausse larme à l’œil, il décrit, durant une heure et demie, une sorte de chronologie de la séparation: de la décision judiciaire en passant par les premières gardes et les prises de tête au téléphone. Les sujets autour du divorce et des gardes alternées sont clairement d’actualité au grand écran (citons notamment L’économie du couple, de Joachim Lafosse), mais le réalisateur se démarque ici en opérant un virage à mi-parcours vers une sorte de thriller psychologique. Le film aborde en effet la violence conjugale, exprimée tout en finesse et en nuances.
Une violence oubliée des médias
Pour arriver à cette justesse, Xavier Legrand, qui signe également le scénario, a notamment interrogé des avocats, des policiers, des travailleurs sociaux et même des groupes de parole d’hommes violents. L’autre force de Jusqu’à la garde vient du casting. Léa Drucker incarne une femme forte et terriblement fragile, et Denis Ménochet, trop rare sur grand écran, étonne avec son côté bourru et déterminé. Citons également la toute première apparition au cinéma de Thomas Gioria dans la peau de Julien, le fils de onze ans. Plus qu’un drame sur la séparation, ce film met donc en lumière un fait de société connu mais trop peu mis en avant dans les médias. D’après les statistiques françaises, une femme meurt tous les deux jours et demi des suites de violences conjugales en France. En Wallonie, 15.000 plaintes pour violences conjugales ont été déposées en 2016, soit 40 plaintes par jour! Dans 40% des cas, au moins un enfant est témoin des violences conjugales exercées par le mari. Sans être un chef- d’œuvre, Jusqu’à la garde s’inscrit surtout comme un thriller coup de poing très réaliste. Il fut notamment auréolé du Prix du meilleur premier film et du Prix de la meilleure mise en scène au dernier festival de Venise. De bon augure pour la toute jeune carrière de Xavier Legrand, un artiste passé brillamment du statut de comédien (pour des fictions télé et des films) à celui de réalisateur et scénariste qu’il faudra suivre de près.
Géry BRUSSELMANS