En pleine négociation sur la formation d’un gouvernement, les conservateurs bavarois de la CSU veulent durcir la politique migratoire de l’Allemagne.
Lors de ses traditionnelles assises de janvier, l’Union chrétienne sociale (CSU) a mis la pression sur ses partenaires, les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel (CDU) et les sociaux-démocrates de Martin Schulz (SPD), avant de s’asseoir, dimanche 7 janvier, à leur côté, à la table des négociations. Ces trois formations tentent de former un gouvernement, trois mois après les élections législatives.
Alliée traditionnelle d’Angela Merkel, la CSU veut notamment imposer des examens médicaux aux jeunes migrants en cas de doute sur leur âge. Cette mesure fait partie d’un bloc que proposent les conservateurs bavarois pour durcir la politique migratoire du pays à quelques mois d’élections locales cruciales en Bavière. Elle maintient ainsi son exigence de limiter à 200 000 par an le nombre de réfugiés entrant dans le pays. Elle prône aussi le passage de 15 à 36 mois du délai à l’issue duquel les demandeurs d’asile peuvent obtenir des aides sociales classiques et reste opposée au regroupement familial pour les exilés ne bénéficiant que d’une protection d’un an renouvelable. Exigences qui n’ont pas manqué de braquer le troisième partenaire de ces négociations, le SPD.
En fait, le débat a été soulevé suite à l’assassinat, le 27 décembre 2017, d’une jeune fille de quinze ans poignardée par son ex-petit ami dans la commune de Kandel. L’auteur du crime, un Afghan arrivé en Allemagne en 2016, affirme avoir quinze ans lui aussi, ce dont doute le père de la victime. La police a annoncé vouloir réaliser des tests pour clarifier la situation. Une autre affaire du même genre avait déjà interpellé l’opinion allemande quelques mois plus tôt. Jugé pour le viol et l’assassinat d’une étudiante en médecine à Fribourg-en-Brisgau, un Afghan arrivé lui aussi en 2016 a affirmé avoir dix-huit ans lors des faits alors que les experts lui en donnent vingt-cinq.
La CSU souhaite donc que des examens médicaux, notamment des radiographies, soient généralisés en cas de doute, et qu’ils ne soient plus laissés à la seule discrétion des services sociaux. Actuellement, en l’absence de documents officiels, ceux-ci mènent des entretiens, puis ils peuvent demander la réalisation de tests médicaux, sans toutefois y être contraints. L’enjeu est de taille puisqu’un mineur non accompagné doit être pris en charge et ne peut être expulsé.
Tests controversés
Cette proposition a d’ailleurs été rejetée par l’Ordre des médecins allemands considérant que « réaliser une radiographie sans indication médicale est une intervention contre l’intégrité corporelle », et soulignant la valeur relative de ces tests approximatifs. Lors de sa 117ème Assemblée, l’Association Médicale allemande avait déjà déclaré que « l’estimation de l’âge des enfants non accompagnés réfugiés (…) par l’examen osseux radiologique ou tomographie informatisée est médicalement indéfendable et ne doit plus être utilisé pour cet objectif. »
Face à la forte concurrence du parti populiste Alternative pour l’Allemagne (AfD) en Bavière, la CSU craint une nouvelle débâcle lors des élections régionales de l’automne prochain.Le parti chrétien social a aussi perdu des électeurs plus modérés, décontenancés par ses positions sur la politique migratoire, jugées non conformes à l’idéal chrétien. « Jamais le fossé entre les Églises et la CSU n’a été aussi grand », constate le Süddeustche Zeitung.
En Belgique et ailleurs
Chez nous, un triple test d’identification est autorisé pour déterminer l’âge des jeunes migrants. Il consiste en un examen radiographique des dents, de la clavicule et du poignet. Néanmoins, dans un rapport publié en septembre 2017, la Plateforme Mineurs en exil a également souligné les insuffisances et approximations de ces tests médicaux. Outre-Manche, on a opté pour une approche différente, moins médicale. En effet, la Grande-Bretagne a été un des premiers pays à s’éloigner des tests médicaux pour estimer l’âge. Dès 2007, le collège royal des pédiatres se prononce pour l’utilisation d’une évaluation de l’âge holistique. L’Association of Directors of Children’s Services a même publié en octobre 2015 un guide pratique pour l’estimation de l’âge par le biais d’un questionnaire social. Basé sur des recherches antérieures validées par le monde scientifique et judiciaire, cette enquête examine entre autres l’apparence physique de la personne, son état social et émotionnel, la composition et l’histoire familiales, l’histoire sociale et communautaire de la personne, sa scolarité, sa route migratoire, les documents en sa possession, …
S.D. avec La Croix