Le Musée en Piconrue à Bastogne consacre sa nouvelle exposition temporaire à un artiste-peintre de la région: André Bosmans. « La fourche, la plume et le pinceau » est une immersion artistique dans la réalité du monde rural du milieu du siècle dernier.
Imaginez la possibilité de pouvoir être transporté instantanément à une autre époque et dans un autre espace. C’est précisément ce qui se passe grâce aux toiles d’André Bosmans: le visiteur se retrouve plongé dans le monde rural des Ardennes dans les années 1950-60. Par ses tableaux de styles variés, le peintre, aujourd’hui décédé, a su raconter la vie rurale dans son petit village. Il donne à voir, par exemple, la sortie de la messe avec le curé sur le pas de la porte de l’église tandis que les gens se rencontrent et discutent au centre de la rue, entre ceux qui viennent de cette même église et ceux qui ont plutôt étanché leur soif. Mais c’est surtout sur le thème de l’agriculture, son premier métier, qu’André Bosmans a consacré l’essentiel de ses tableaux. Il confiait notamment que ce métier principal lui accorde « la liberté d’agir, la liberté de penser ainsi que la relation avec la nature…« . Ce qui alimente son autre passion, la peinture. L’artiste profitait notamment de la mauvaise saison, l’hiver, pour illustrer dans ses œuvres ce qu’il vivait et faisait tout au long de l’année.
A travers cette exposition « André Bosmans. La fourche, la plume et le pinceau », le musée en Piconrue installé à Bastogne donne une ouverture sur la réalité du monde rural depuis le milieu du siècle dernier. C’est en fait la troisième fois que ce musée rend hommage à l’artiste de la région puisqu’il avait déjà programmé une rétrospective en 2002, puis repris plusieurs de ses toiles dans l’exposition permanente du musée sur « Les âges de la vie » qui a été inauguré en 2015. « Nous voulons mettre en valeur quelqu’un de la région, insiste François Collard, surtout qu’il est méconnu à l’échelle nationale. » Trois ans après le décès du peintre de Vaux-Chavagne, les responsables du musée diocésain ont pris contact avec sa famille pour rassembler sur trois salles d’exposition une évocation assez complète de son œuvre. André Bosmans lui-même se défaisait peu de ses toiles, ce qui permet de découvrir largement son travail et son évolution au travers de cette collection familiale.
La désillusion du monde agricole
Dès le début de l’expo, le visiteur découvre que cet agriculteur aurait pu exercer d’autres métiers. Né en 1922, il a vu Grandmenil, le village de son enfance, être détruit dans la bataille des Ardennes. Après quoi, il est parti se former à Bruxelles en boulangerie-pâtisserie, en même temps qu’il prenait des cours de peinture. Pourtant, son attachement à la famille le ramène en terre ardennaise où il construit sa ferme au côté de son frère Jacques. De ses études artistiques, il garde une vision utopique du monde ainsi que plusieurs influences qui se retrouvent dans certains tableaux. Mais les dures réalités de la vie d’un paysan lui remettent les pieds sur terre. Visionnaire, André Bosmans anticipera alors les méfaits liés à l’évolution de son métier à cause du progrès technique et des politiques européennes.
La dernière partie de l’exposition temporaire est justement consacrée à cette désillusion du monde agricole où les petites exploitations disparaissent au profit des grandes. L’artiste avait souvent reproduit la détresse des paysans à qui on enlève les dernières bêtes lors d’une crise sanitaire. D’autres œuvres montrent son cri de révolte face à la surproduction et donc le risque de surconsommation. Depuis 1962, André Bosmans était syndicaliste. Il essayait de sensibiliser ses confrères aux risques économiques et sociaux qu’entraînait la Politique agricole commune acceptée par le ministre de « la grosse culture », surnom donné par l’artiste à l’agriculture.
Anne-Françoise de BEAUDRAP
Jusqu’au 14 octobre 2018 au Musée en Piconrue, Place en Piconrue 2 à Bastogne. Le catalogue de cette exposition, vendu au prix de 28 euros (jusqu’au 15 janvier 2018), est préfacé par José Bové, député européen.
Photo: André Bosmans, autoportrait