Alors que l’Eglise catholique aux Philippines multiplie les intiatives pour lutter contre la guerre antidrogue, les principales organisations évangéliques du pays critiquent à leur tour la politique du président Duterte. Mais la popularité de celui-ci demeure haute dans les sondages.
Le 5 novembre, l’Eglise catholique avait appelé à manifester contre la politique antidrogue du président Duterte sur le boulevard périphérique EDSA, lieu emblématique de la Révolution du peuple de 1986 qui avait abouti à l’exil du dictateur Ferdinand Marcos. Plusiuers centaines de personnes s’étaient mobilisées.
Selon le président de la conférence des évêques philippins Mgr Socrates Villegas, archevêque de Lingayen-Dagupan, « cet appel à la réconciliation ne signifie pas fermer les yeux sur ce qui se passe, bien au contraire : il s’agit d’en prendre conscience et d’admettre nos erreurs ».
Des policiers repentis demandent à l’Eglise de les cacher
Début octobre, Mgr Villegas avait révélé qu’un nombre indéterminé de policiers, auteurs de tueries extrajudiciaires directement commanditées selon eux par Rodrigo Duterte, avaient demandé aux paroisses de les cacher, par craintes de représailles. Des couvents accueillent déjà en catimini des proches de victimes de la guerre antidrogue, craignant elles aussi pour leur vie. A la suite de Mgr Villegas, d’autres évêques avaient à leur tour proposé leur “protection” aux policiers “repentis” de la guerre antidrogue. En réaction, des membres du gouvernement ont accusé l’Eglise de complot visant à déstabiliser la présidence du pays.
L’Eglise catholique philippine a également mis en place des programmes de réhabilitation pour les toxicomanes. Le pape François vient d’ailleurs d’apporter son soutien au projet lancé par le cardinal Antonio Luis Tagle, archevêque de Manille, en collaboration avec les autorités locales et mêlant accompagnement spirituel, mais aussi sports et arts. Jusqu’ici, 132 anciens toxicomanes ont pu en bénéficier.
Les principales organisations évangéliques critiquent aussi la politique antidrogue
En plus de l’Eglise catholique, dernièrement les deux principales organisations évangéliques – le Conseil Philippin pour les Eglises Evangéliques et le mouvement Philippines for Jesus – ont à leur tour émis des réserves sur l’action présidentielle, après avoir ouvertement soutenu Rodrigo Duterte durant sa campagne électorale en 2016. « Personne n’a le droit de prendre la vie de quelqu’un d’autre », a réaffirmé Frère Eddie Villanueva, fondateur du mouvement Philippines for Jesus qui revendique plus de cinq millions de membres.
Le 12 septembre, jour de commémoration de la proclamation de la loi martiale par le défunt dictateur Ferdinand Marcos en 1972, des milliers de Philippins étaient déjà descendus dans les rues de la capitale, cette fois-ci à l’appel de diverses franges de l’opposition, pour protester contre les tueries extrajudiciaires de l’actuelle guerre antidrogue. Après avoir longtemps menacé d’avoir lui-même recours à la loi martiale dans le cadre de sa lutte contre le narcotrafic, Rodrigo Duterte a finalement proclamé la mesure d’urgence le 23 mai dernier, dans la foulée de l’attaque de la ville de Marawi par des alliés de Daesh. Prolongée jusqu’à la fin de l’année en théorie par le Congrès philippin, la loi martiale reste pour l’heure en vigueur malgré la fin de la bataille de Marawi, le 23 octobre dernier.
Plus d’un an après l’arrivée au pouvoir de Rodrigo Duterte, les médias locaux et les ONG de défense des droits de l’Homme estiment que la guerre antidrogue a tué près de 12.000 personnes. De son côté, la police philippine admet « seulement » la mort de 3.900 individus durant des opérations » légitimes ». Tous les autres cas sont systématiquement classés dans la catégorie « des meurtres non élucidés ».
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