Si le sommet européen de ces 19 et 20 octobre à Bruxelles, se penchera essentiellement sur le « Brexit », les 28 chefs d’Etats et de gouvernements qui le composent parleront aussi de la question migratoire.
Assurer une meilleur protection des migrants qui marchent sur les routes d’Europe, devrait être une priorité. Cette question sera débattue au sein du conseil européen qui se tient pendant deux jours dans notre capitale. Si le « plat principal » à l’agenda concerne le « Brexit » et l’état d’avancée des négociations sur le divorce entre les 27 Etats de l’Union européenne et le Royaume-Uni, deux autres sujets seront abordés. L’un d’entre d’eux n’est pas prévu à l’agenda, mais il paraît impossible que les participants ne n’en parle pas: il s’agit de la crise catalane. L’autre concerne la politique migratoire des Etats de l’UE. Ils discuteront des propositions de la Commission européenne pour encourager la migration légale, mais surtout pour favoriser les retours. Face aux incessants drames humains sur les dangereuses routes de migrations, il est urgent que les dirigeants européens ouvrent davantage de voies sûres et légales. La Commission propose notamment de réinstaller, dans les deux prochaines années, 50.000 réfugiés sélectionnés à partir de pays d’origine ou de transit.
Pour le CNCD 11-11-11, cette proposition est un pas dans la bonne direction, mais elle n’est pas à la hauteur des enjeux, alors que les crises internationales se multiplient.
En outre, la réinstallation ne doit pas devenir un palliatif à la procédure d’asile classique. « Elle induit en effet, de façon indirecte, une remise en cause du traitement individuel des demandes d’asile garanti par la convention de Genève. Les systèmes de quotas, associés à la difficulté de demander l’asile à distance, risquent d’empêcher des personnes de se voir attribuer un statut de réfugié que l’Europe a pourtant l’obligation de leurs donner. La réinstallation est difficilement applicable dans certains pays, comme la Libye, vu la situation chaotique qui y règne », précise un communiqué de l’ONG.
Faire preuve d’ambition
Le CNCD 11-11-11 estime que si elle entrouvre la porte de la réinstallation, l’Europe semble tourner le dos à la relocalisation de demandeurs d’asile stationnés en Italie et en Grèce. « La timide relocalisation amorcée en 2015 n’a pas permis d’assurer une réelle solidarité entre les États membres face aux demandes d’asile. La Belgique, en dépit de l’autosatisfaction affichée par son Secrétaire d’Etat à l’Asile, n’a relocalisé que 997 personnes sur les 3812 prévues ».
L’organisation juge que l’Europe devrait faire preuve d’ambition et admettre définitivement que le mécanisme de Dublin a prouvé ses limites. « Il est inacceptable moralement, que l’Europe fasse gérer ses frontières par des pays tiers, notamment des régimes qui violent de façon notoire les droits humains. Et de mettre en exergue, la collaboration de la Belgique avec le Soudan. « Nous ne pouvons plus fermer les yeux face aux milliers de morts sur les routes migratoires, ni cautionner les violations des droits humains commises dans des pays avec lesquels pactise l’Union européenne », a déclaré Nicolas Van Nuffel, responsable du plaidoyer politique au CNCD-11.11.11.
Les dirigeants européens prendront-ils ces arguments en compte? Difficile de le croire si l’on en juge par les documents adressés par le président Donald Tusk aux membres du Conseil européen. Il pointe en effet du doigt les divergences des différents pays sur plusieurs questions européennes, notamment la question migratoire. On peut ainsi lire que le Premier ministre estonien – L’Estonie assure pour le moment la présidence tournante de l’UE – Jüri Ratas, parlera de l’état de mise en œuvre des précédentes conclusions et qu’ensuite un débat politique aura lieu « sur les aspects extérieurs des migrations, qui portera plus particulièrement sur les moyens financiers nécessaires pour endiguer le flux de migrants en situation irrégulière en provenance d’Afrique« . Et Donald Tusk ajoute que les conflits d’intérêts et les divergences d’avis entre chefs d’Etat et de gouvernements, mais aussi entre les gouvernements, tant sur le fond que pour ce qui est de la détermination à débloquer la situation, constituent un blocage. Il appelle donc « à prendre les choses en main ».
« Les croyants devraient accepter les réfugiés »
On connaît la politique anti-migratoire et l’opposition à la répartition des migrants au sein de l’UE d’anciens pays de l’Est comme la Hongrie et la Pologne notamment. Invoquant des raisons de sécurité, le gouvernement polonais et, selon les sondages, la majorité de la population rejettent globalement l’admission des réfugiés.
L’Eglise n’entend pas être absente du débat autour de ce défi que représentent les migrants et leur sécurité. Ainsi, le primat de Pologne, Mgr Wojciech Polak, archevêque de Gniezno, menace de suspendre tout prêtre qui participerait à une manifestation contre les migrants. « Tout prêtre qui assistera à une manifestation anti-réfugiés à Gniezno sera suspendu », a déclaré l’archevêque dans le dernier numéro de l’hebdomadaire catholique de Cracovie. Pour Mgr Polak, l’Evangile engage les chrétiens à aider les gens dans le besoin. Par conséquent, les croyants devraient accepter les réfugiés. « Il ne s’agit pas d’ouvrir les frontières sans aucun contrôle, mais il est sage d’aider ceux que nous pouvons et devons soutenir. Ce n’est pas un danger pour nous ». La position de l’Eglise polonaise n’empêche pourtant pas certains prêtres ou religieux d’attiser la xénophobie et l’antisémitisme. Ainsi en en 2016, après un sermon incendiaire, le Père lazariste Jacek Miedlar avait été sanctionné par sa congrégation, qu’il a ensuite quittée. Rappelons encore que l’Eglise catholique encourage l’accueil des victimes de la guerre en Syrie.
Enfin, mardi 16 octobre, Mgr Ivan Jurkovic, observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’Onu à Genève, est intervenu dans le cadre d’un débat sur les réfugiés, appelant à soutenir les Etats qui en accueillent. Sans cette solidarité, il serait impossible d’assurer ce que prescrit la Convention internationale sur le statut de réfugié, signée à Genève en 1951, et qui affirme que les réfugiés doivent être pris en charge par la communauté internationale, estime Mgr Jurkovic. « Les ressources financières des institutions internationales doivent prendre en compte les pays qui abritent les réfugiés, pour des projets qui bénéficient aux réfugiés, mais qui récompensent aussi la générosité des communautés et des familles locales », a poursuivi le prélat. Mgr Jurkovic a précisé que ce sont des « investissements dans l’humanité et la paix, dans l’intérêt du bien commun ».
Dans le même temps, une meilleure gestion des flux migratoires ne doit pas devenir le prétexte pour « externaliser « la responsabilité de protéger les réfugiés à certains pays, « simplement pour leur proximité géographique avec des aires instables ». Le représentant du Saint-Siège appelle à ce qu’il n’y ait aucune justification pour le « confinement des mouvements de réfugié», mais plutôt l’expression d’une coopération véritable et d’une solidarité internationale ».
On le constate: ces propos vont dans le sens de ce que demandent les ONG européennes aux dirigeants de l’UE. Il s’agit d’une question d’humanité et de respect qui ne demande que du courage pour les mettre en œuvre.
J.J.D.