Mardi 24 octobre, la Commission spéciale « Panama Papers » de la Chambre des Représentants a présenté ses conclusions, après des mois de débats. Pour Oxfam-Solidarité et la coupole CNCD-11.11.11., la commission a raté une opportunité historique pour avancer vers la justice fiscale.
« Bien que plusieurs recommandations aillent dans le bon sens, le rapport dans son ensemble manque d’ambition« . C’est ce qu’on apprend en lisant le communiqué de presse commun Oxfam-Solidarité et coupole CNCD-11.11.11. Tout d’abord, selon les deux organismes, les recommandations se bornent au respect des standards internationaux minimums en matière de fiscalité et de transparence, plutôt que de recommander des mesures plus volontaristes. Oxfam-Solidarité et le CNCD trouvent également que ces recommandations sont « très vagues« .
Un rôle proactif pour la justice fiscale
Pour Maaike Vanmeerhaeghe, chargée de plaidoyer d’Oxfam-solidarité : « Les pays européens comme les pays en développement perdent des milliards de recettes fiscales chaque année. Selon les estimations du FMI, plus de 600 milliards de dollars de recettes fiscales sont perdues au niveau mondial rien qu’à cause des manœuvres d’optimisation fiscale des multinationales. Des mesures fortes sont donc indispensables pour lutter contre les inégalités et la pauvreté. Il est inacceptable, dans ces conditions, que les responsables politiques belges continuent à se cacher derrière les standards minimum internationaux, au lieu d’assumer un rôle proactif. »
Pour une transparence
Le scandale des Panama Papers a mis en lumière le rôle joué par un gigantesque réseau de sociétés-écrans secrètes et de paradis fiscaux. Pour lutter contre ce puissant réseau, la transparence est indispensable. Pourtant, la commission parlementaire n’a pas réussi à soutenir unanimement des mesures de transparence élémentaires en la matière, comme la création d’un registre des bénéficiaires effectifs de toutes les sociétés, trusts et autres entités qui serait publiquement accessible.
Un bon point néanmoins pour les recommandations en matière de reporting public pays par pays obligatoire des grandes entreprises. Reste toutefois à concrétiser les bonnes intentions dans les législations belge et européenne.

Les prévenus du procès Luxleaks devant le tribunal du Luwembourg (15 mars 2017). Antoine Deltour est le troisième en partant de la droite
Sur la question de la protection des lanceurs d’alerte, « le texte semble généreux » d’après le communiqué Oxfam-Soldiarité- CNCD-11.11.11. Toutefois, « il oublie de demander que cette protection s’étende aux lanceurs d’alerte qui révèlent des pratiques d’optimisation fiscale agressive mais non illégales » poursuit le communiqué. Oxfam-Solidarité et le CNCD rappellent l’exemple du lanceur d’alerte, Antoine Deltour, l’auteur des fameuses révélations Luxleaks, condamné à une peine de prison. « Il faut éviter que la jurisprudence luxembourgeoise se reproduise » affirme le communiqué.
Contre l’évasion fiscale
Oxfam-Solidarité et CNCD 11.11.11. déplorent enfin l’absence de recommandation significative sur la mise en œuvre de la directive européenne sur la lutte contre l’évasion fiscale. Pourtant, cette directive contient des mesures fondamentales qui doivent être transposées en droit belge pour 2019 au plus tard. La Belgique semble donc vouloir « jouer la montre sur des mesures cruciales« .
Pour Antonio Gambini, chargé de recherche au CNCD-11.11.11 : « Alors que 89% des Belges souhaitent des mesures plus fortes pour juguler la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscale, les responsables politiques hésitent à mettre en œuvre des mesures efficaces. La commission Panama Papers aurait pu produire des recommandations fortes, mais les principaux acteurs qui profitent des échappatoires de la législation pour éluder l’impôt peuvent encore dormir sur les deux oreilles : la Belgique ne semble toujours pas décidée à prendre à bras-le-corps la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales. »
S.D.