© Kris Dewitte
Raoul Peck, réalisateur engagé, propose un regard sur Karl Marx, jeune homme "capital" du XIXe siècle. A travers ses déboires, ses combats, ses critiques, ses écrits mais aussi ses amitiés.
Né à Haïti, Raoul Peck a grandi au Congo, aux Etats-Unis et en France. Son parcours est singulier puisqu’après des études d’ingénierie et d’économie puis de cinéma à Berlin, il a été ministre de la Culture d’Haïti de 1996 à 1997! Ce réalisateur a construit ici un récit principalement à partir de lettres échangées qu’il met en scène entre l’Allemagne, la France, l’Angleterre (et même Bruxelles, évoquée). Attentif aux moindres détails parce qu’il est attaché à la réalité de ceux-ci, comme il l’est à la "vérité" de l’histoire qu’il narre. Si Raoul Peck filme avec le souci de réalité, c’est parce qu’il veut rendre compte d’une "Histoire vraie"!
Marx, Engels et Proudhon
Le film montre quelques années de jeunesse de Marx et Engels, par le biais aussi de l’amour qu’ils portent chacun à leur compagne ou épouse. Il fait prendre conscience du respect et de l’estime qu’ils acquerront l’un pour l’autre et de l’amitié qu’ils se porteront. Ces deux-là se fascinent mutuellement, s’estiment, se comprennent et saisissent les enjeux d’une situation dont souffrent ceux qui ne font pas partie de leur classe sociale, contrairement à Proudhon (Olivier Gourmet) qui est le seul de ces "révolutionnaires" à être issu de la "base". Leur enthousiasme va dépasser les frontières, celles de classes bien sûr, mais aussi et surtout, celles des "intellectuels" (que l’on qualifierait probablement aujourd’hui "de gauche").
Ce sont des confrontations, analyses, réformes et contre-réformes des instruments de pensée qui vont s’élaborer, au risque de devenir un jeu purement sémantique, ainsi de la critique, à la critique de la critique, pour poursuivre par la critique de la critique de la critique... L’on sent bien qu’il faut arrêter là le jeu parce que derrière l’édifice conceptuel, il y a de la chair, de l’humain, de la souffrance et de l’exploitation! Le réalisateur ouvre un horizon, grâce à ces joutes oratoires et écrites, mais aussi grâce aux rencontres sur le terrain, sur un monde bouillonnant d’hommes (et de femmes) qui se mettent debout pour déplacer les frontières entre les uns et les autres et rêver d’un monde nouveau. Par un discours "politique" (au sens noble du terme, de gestion de la cité ou d’un groupe), il parvient à faire se transformer "La ligue des justes" en "Ligue des communistes" en 1847. Ce sera la première organisation internationale dont les idées peuvent être considérées comme "marxistes"; elle sera dissoute en 1852.
Si le film n’est pas parfait, il a cependant un mérite: inviter le citoyen de "bonne volonté" à s’intéresser à Marx et Engels, à remonter aux sources, à l’origine, comme le firent certains des disciples de Jésus le nazaréen en voulant remonter aux Ecritures.
Charles DE CLERCQ - RCF
Retrouvez les sorties de la semaine et les critiques de Charles De Clercq sur le site cinecure.be ou rendez-vous dans l’émission Cinécure sur RCF Bruxelles (107.6 FM ou rcf.be), le mercredi à 13h10 et 19h15, le samedi à 13h30 et 18h15 ou dans « Cinécure l’intégrale », le dimanche à 17h30. Cette émission est disponible en podcast.
A découvrir également, l’émission « Les 4 sans coups »: deux fois par mois, Charles De Clercq invite ses amis critiques cinéma à partager leur passion pour les films du moment. Une discussion riche en échanges contradictoires, mais toujours dans la bonne humeur! Les 1er et 3e vendredis du mois à 21h et le lendemain à 17h. Egalement accessible en podcast sur rcf ou sur les4sanscoups.be.