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C’était il y a cinquante ans et rien n’a changé depuis. Le film Detroit nous le rappelle. Et dans cette chronique d’un racisme viscéral, l’acteur Will Poulmer est tout simplement prodigieux.
Le 23 juillet 1967, la ville de Detroit dans le Michigan a plongé, cinq jours durant, dans l’une des plus grandes et des plus meurtrières émeutes de l’histoire des Etats-Unis. Le film Detroit raconte l’histoire d’un incident dans un motel. Ces événements illustrent une mentalité et des attitudes racistes et qui sont pourtant bien réelles.
On ne peut qu’adhérer à ce combat des Afro-Américains qui n’ont aucune place, aucun endroit où il ferait bon vivre. Que dire face à une cause que nous sommes convaincus d’être juste? Et l’on se souviendra d’autres films, d’autres situations, bien trop nombreuses où l’on prend conscience qu’il ne fait pas bon d’être Afro-Américain aux USA. Aujourd’hui rien ne semble avoir changé dans un pays si prompt à défendre les droits de l’homme hors de ses frontières.
Alors que l’émeute se déploie dans la ville, un banal coup de feu avec un pistolet destiné à marquer les départs de courses, fictif donc, va déclencher une apocalypse pour sept hommes noirs. Ces « négros », dont un groupe de chanteurs qui n’a pas pu se produire sur scène du fait des émeutes, se retrouvent à l’Argiers Motel. Avec eux, deux femmes blanches, pas vraiment prostituées, pas vraiment clean non plus. Dans la rue, l’armée, la police de Detroit, la garde nationale. Entre « la rue » et le motel, Dismukes, agent de sécurité, noir et, malgré cela, censé être « protégé ».
Une haine terrifiante
Ce qui était banal, un tir avec une arme qui n’en est pas une, va déclencher une terrifiante réaction. Tout particulièrement de la part de la police locale et deux de ses agents, dont l’un, Krauss, a déjà commis une bavure en tirant à plusieurs reprises dans le dos d’un fugitif. Il y a chez lui un racisme ordinaire, voire « à fleur de peau ». Et lorsque lui et son équipier prennent conscience que les deux femmes blanches auraient pu avoir une relation sexuelle avec des « nègres », une haine terrifiante va les submerger. Nous n’allons pas décrire comment celle-ci va déferler tout au long de la nuit où, sans relâche, les policiers locaux vont abuser d’un pouvoir qu’ils n’ont pas, au mépris de tous les droits civiques. L’armée et la garde nationale se retireront du « terrain de jeu » laissant l’affaire de la police à la police. Tout au plus, l’un ou l’autre réagira, à titre individuel, parce que cela va trop loin.
Il faut ici louer le jeu de Will Poulter, sidérant. L’acteur anglais de vingt-quatre ans a une telle maturité dans son jeu qu’il arrive à susciter le dégoût, le rejet, la condamnation, voire la haine, chez le spectateur par rapport à son personnage auquel il donne une densité telle qu’elle est effrayante.
Les émeutes terminées… place à la justice. L’enquête sera « orientée », au grand dam de l’un ou l’autre qui voudrait que la vérité soit établie. Ce sera une vérité judiciaire, celle des policiers, de leurs délégués syndicaux, de leurs avocats, du juge et des jurés blancs. Les coupables seront acquittés.
C’était il y a juste cinquante ans. Un drame, inhumain. Et le drame perdure puisque l’actualité nous rappelle, jour après jour que rien n’a pratiquement changé au pays de la liberté. De cela, de ce coup de poing que nous envoie le film, il faut remercier Kathryn Bigelow de nous l’avoir asséné et aux acteurs d’avoir donné une visibilité à l’horreur…
Charles DE CLERCQ – RCF
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