Faisant appel régulièrement aux soutiens financiers, la Fondation Josefa à Bruxelles occupe une place spécifique, aux côtés d’autres organisations d’aide aux réfugiés. Des conférences ou des repas fraternels permettent de changer le regard sur le phénomène migratoire.
Et si nous étions tous migrants? Cette question, certes déconcertante, a le mérite de faire réfléchir chacun sur les multiples déplacements qu’il est amené à faire sur le plan psychologique, géographique ou social, tout au long de sa vie. Déménager pour se rapprocher d’un travail, par exemple, est une forme de migration. Et ce statut devrait être salué comme une preuve de courage et de lâcher-prise, comme ce fut le cas pour Abraham quand Dieu l’invita à « quitter son pays ».
Cette idée que nous sommes tous en cours de déplacement intérieur règne au cœur de la Maison Josefa à Bruxelles, une initiative lancée il y a cinq ans. Dans ce lieu, on ne ressent pas d’un côté les réfugiés qui seraient en quelque sorte les bénéficiaires d’un certain service, et de l’autre les Belges… L’animation et la vie de l’hébergement sont autant gérées par les uns que par les autres.
Au point de départ de cette initiative privée il y a un couple déjà fortement impliqué dans les questions humanitaires autour du développement de l’homme sur les différents continents: Annabelle et Gilbert Granjon. Annabelle mène encore aujourd’hui, une carrière d’experte en asile et immigration aux Nations Unies. Avec son mari, elle s’est rendue en de multiples régions du monde pour voir comment se traduisait la « maison » dans ces différentes réalités. C’est là qu’ils ont pris conscience que le terme « migrants » est définitivement un qualificatif que certains apposent sur l’existence d’autres personnes. « Nous sommes tous en marche, dans les pas d’Abraham« , indique Gilbert Granjon.
Le choix de la référence à Joseph dans cette démarche n’est pas dû au hasard. Le père de Jésus a été amené à se déplacer de Bethléem à Nazareth, puis à la suite de son fils. Cet homme a également accepté un déplacement psychologique entre les traditions de ses ancêtres et la parole forte et révolutionnaire que Jésus a fait entendre.
Un lieu de partage
En expliquant le fonctionnement de ce lieu installé rue des Drapiers à Ixelles, non loin des institutions européennes, le co-fondateur de cette Maison Josefa exclut d’office certains termes de son vocabulaire: « Nous ne parlons pas de public-cible, ni de bénéficiaires… D’ailleurs, qu’est-ce que cela signifie le verbe intégrer ? » La crise de l’accueil en Belgique a réveillé de nombreux Bons Samaritains qui veulent apporter leur aide. Cela implique qu’il y aurait un « problème » migratoire et que l’autre aurait uniquement besoin de moi. La démarche Josefa invite à bousculer ces certitudes en considérant que l’apport peut être réciproque. « Des artistes résident dans cette maison, ils nous enrichissent de leur talent« , relève Gilbert Granjon.
En dehors du logement fourni à une vingtaine de personnes, des activités prennent place régulièrement pour permettre le mélange des cultures. Les murs résonnent des fous rires, des chants et même des prières… Ce dont Maïté témoigne dans un texte plein de poésie: « La Maison Josefa, c’est un lieu qui offre des migrations multiples. C’est un carrefour propice au partage d’une émotion, d’un repas, d’un regard sur le pas de la porte, de quelques mots en arabe, en français ou en anglais, d’une prière pour certains, d’une chanson pour d’autres, quelques notes de oud, un sourire ou un fou rire… » Chaque lundi soir notamment, la Maison accueille tout le monde pour un repas multiculturel. Gilbert Grandjon concède qu’au départ il y avait deux groupes en fonction des langues parlées. Maintenant l’habitude permet aux participants de mieux entrer en conversation avec les nouveaux venus.
Depuis deux ans, la fondation Josefa s’est posée dans cette résidence d’Ixelles qui était précédemment occupée par les Carmélites. Les bâtiments étaient devenus trop grands pour le nombre de religieuses, celles-ci ont rejoint la communauté du Botanique. Le Carmel Saint-Joseph continue de porter la fondation Josefa dans sa prière. Précisons toutefois que malgré l’affiliation naturelle des fondateurs pour la tradition catholique, le projet « Tous migrants » est ouvert à toute confession. Le lieu de prière installé rue des Drapiers peut s’adapter en fonction des circonstances. Gilbert Granjon insiste toutefois « Josefa n’est pas seulement un amas de briques ou un toit sur nos têtes. C’est surtout un esprit de partage! »
Anne-Françoise de BEAUDRAP