Présenté au Festival de Cannes, Krotkaya est bien plus brutal que son titre en français (Une femme douce) pourrait laisser croire. Son réalisateur ukrainien, Sergei Loznitsa, propose un portrait de femme russe sans concession.
Le film raconte l’histoire d’une femme à qui on retourne le colis qu’elle avait envoyé quelque temps plus tôt à son mari incarcéré. Inquiète et profondément désemparée, elle décide de se rendre à la prison, dans une région reculée de Russie, afin d’obtenir des informations. Ainsi commence le récit d’un voyage semé d’humiliations et de violence, l’histoire d’une bataille absurde contre une forteresse impénétrable.
Ce long-métrage risque de diviser le public car il est difficile, fascinant et irritant à la fois. Le critique lui-même sera partagé pour rendre compte de ce long-métrage. A l’heure où les ONG insistent sur les atteintes aux droits les plus élémentaires pour les homosexuel(le)s en Russie et en Ukraine, le film nous fait découvrir que c’est à peine mieux d’être femme, comme c’est malheureusement encore le cas dans de nombreux pays aujourd’hui. Le film mérite donc d’être vu même s’il peut paraître comme une épreuve.
Chemin de croix
En effet, le chemin de croix de cette femme – confrontée à la bureaucratie, à l’univers concentrationnaire, à la corruption et au machisme – en est un aussi pour le spectateur qui vivra et subira lui aussi ce parcours. Autant prévenir: il s’agit d’une épreuve, psychologique, mentale, mais aussi physique. Cent quarante-trois minutes sans aucun répit accordé au spectateur et à l’héroïne! Celle-ci, plutôt qu’une femme douce est une femme impassible! Nous la découvrons intériorisant ce qui lui arrive, ce qu’elle ressent face à la bureaucratie, aux insultes, au mépris… Elle n’extériorise rien et se laisse piéger par ceux qui lui laissent entrevoir quelque chose de positif: obtenir des informations sur son mari – emprisonné à tort selon elle et tout concourt à penser que c’est bien le cas – ou même pouvoir le voir.
La fin du film laisse entrevoir cette impossibilité, en laissant sa protagoniste suivre quelqu’un alors qu’elle se trouve dans la salle d’attente d’une gare. Des passagers en attente y sont endormis alors qu’elle franchit une porte ouverte. Elle entre dans une nuit noire, mais la caméra ne la suit pas. La caméra reste fixe de longues secondes et nous ne pourrons qu’imaginer ou rêver le futur impossible de cette anti-héroïne!
Toutefois, avant la fin, il y a une partie plus onirique, qui n’est pas la meilleure, comme si le réalisateur craignait que le spectateur n’ait pas compris. Un dernier cinquième sans doute de trop, d’autant que s’y ajoute une scène violente trop longue. Le film a donc des défauts, probablement ceux de ses qualités. Il a paru cependant important d’attirer l’attention sur ce long-métrage qui interpelle.
Charles De Clercq RCF
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