Quelque 3.500 responsables catholiques et 150 évêques américains se sont réunis à Orlando, en Floride, du 1er au 4 juillet, pour une convention inédite: lancer une vaste réflexion sur la manière d’évangéliser et de rejoindre une Amérique en voie de sécularisation, particulièrement chez les jeunes.
Pour la première fois, les principaux acteurs des diocèses des Etats-Unis se sont retrouvés pendant quatre jours, à l’invitation des évêques d’outre-Atlantique pour une convention sur le thème « La joie de l’Evangile en Amérique ». La conférence épiscopale américaine a lancé un processus de « Dialogue national » étalé sur trois ans et destiné à impliquer davantage de jeunes et de familles dans l’Eglise. La convention d’Orlando avait plusieurs objectifs. D’abord, comment ramener les familles dans le giron catholique, alors qu’elles sont davantage tentées par les églises évangéliques? Comme le confiait un prêtre américain, pour une personne baptisée, l’Eglise catholique américaine perd six fidèles. Ensuite, examiner les divisions entre catholiques sur des projets de société et réamorcer le dialogue entre les fidèles et l’institution ecclésiale. Enfin, réfléchir à la meilleure manière de porter l’Evangile dans les périphéries physiques et existentielles d’une société toujours plus sécularisée et divisée, comme le souhaite le pape François.
Attirés par les églises évangélistes
Les catholiques représentent la religion la plus importante au pays de l’Oncle Sam avec 77,4 millions de fidèles, soit 22% de la population. Mais la fréquentation des paroisses est en baisse, tout comme les sacrements, à l’exception du baptême. De 2013 à 2016, le nombre d’enfants à avoir fait leur première communion a chuté de 50.000 unités (- 7%), tandis que les écoles catholiques enregistraient une perte de 250.000 élèves sur la même période. Pourtant, le nombre de catholiques augmente aux USA, mais cette hausse est due à la forte immigration hispanique. Car les Américains se tournent vers les églises évangéliques où une plus grande place est laissée à l’émotion, où les fidèles sont davantage impliqués et chez qui les chants et musiques sont plus proches de la culture moderne, observent les analystes.
Le recul de fréquentation que connaît l’Eglise catholique américaine s’inscrit aussi, plus largement, dans le contexte d’une sécularisation toujours plus grande. Les Américains se déclarant « sans religion » représentent aujourd’hui près de 25% de la population, contre 6% seulement en 1991. Ce qui fait d’eux le « groupe religieux » le plus important aux Etats-Unis, selon une étude du Public Religion Research Center, publiée en septembre 2016. Cette enquête a aussi révélé que 60% ne croient plus au message religieux, 66% pensent que la religion cause plus de problèmes qu’elle n’apporte de solutions et 66% estiment que leur enfant n’a pas besoin d’être éduqué dans la religion pour avoir des valeurs. Un fameux défi donc pour l’Eglise catholique, qui aux yeux de certains, doit amorcer un fort changement culturel. Et c’est dans cette perspective que la convention d’Orlando a été convoquée par la Conférence épiscopale des Etats-Unis.
Reprendre le dialogue
Face à cette situation, les responsables catholiques américains entendent aussi se pencher sur la manière de réamorcer un dialogue entre les fidèles et l’institution. En effet, nombre de catholiques jugent que l’Eglise d’outre-Atlantique est trop dogmatique et, selon les observateurs, elle est trop sur la défensive. Une attitude héritée, notamment, des scandales de la pédophilie, estiment-ils.
Enfin, L’Eglise des Etats-Unis entend aussi dépasser ses divisions autour des sujets de société et répondre aux défis auxquels elle est confrontée, comme: le climat politique et culturel actuel, le racisme et l’exclusion, les familles blessées et séparées ou le souci pastoral envers les personnes homosexuelles. Car sur ces sujets, comme sur d’autres d’ailleurs, l’Eglise américaine connaît de réelles divisions, à l’image de la société américaine. En marge de la convention, le cardinal Joseph Tobin, archevêque de Newark dans le New Jersey, a déclaré, dans un entretien accordé au journal La Croix: « Ma plus grande surprise, lorsque je suis rentré après vingt ans passés à l’étranger, a été de constater le degré de polarisation: comme si nous avions importé les divisions du monde politique dans l’Eglise. » Au passage, il n’a pas hésité à tacler le président Donald Trump en affirmant que ce dernier en appelait à la part sombre des Américains. « Il parle aux peurs, aux insécurités. » Ce qui contribue à diviser la société.
Pour les 150 évêques présents, cette rencontre a d’abord été l’occasion d’écouter mais aussi d’identifier avec les «experts», engagés sur le terrain, les mutations auxquelles l’Eglise américaine est confrontée: montée de l’individualisme, de l’indifférence religieuse, vagues migratoires… Ils ont en tout cas décidé d’agir. Un réseau national de leaders catholiques sera mis sur pied dans le courant de ce mois de juillet. Ces leaders auront pour mission d’identifier les « points de division et d’unité » dans l’Eglise américaine, ainsi que d’animer des formations dans leurs diocèses et mouvements. En juillet 2018, une consultation locale sera lancée pour engager une population diverse de jeunes et de familles, en identifiant les pratiques et les stratégies. La troisième année sera consacrée à l’élaboration d’outils et de propositions concrètes.
La convention d’Orlando s’est achevée sur l’engagement de « porter l’Evangile dans les périphéries sociales, existentielles et spirituelles d’une société toujours plus sécularisée et divisée ». Et comme l’a déclaré Mgr José Gomez, archevêque de Los Angeles et vice-président de la conférence épiscopale: « L’Eglise américaine a toujours été présente aux périphéries, à travers nos écoles, nos paroisses… mais nous pouvons faire mieux. »
J.J.D. (avec Radio Vatican et La Croix)
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