A la mi-mai, un colloque était organisé dans les locaux du Sénat belge. Son intitulé était explicite: "Vers un service citoyen en Belgique: contributions européennes". L’initiative du service citoyen se développe en Belgique, toutes communautés confondues. L’occasion d’établir un bilan.
Le directeur de la Plateforme pour le Service Citoyen, François Ronveaux, est enthousiaste. Le colloque a confirmé la ligne de conduite défendue par la version belge. Si l’Italie, la France, l’Allemagne et le Grand-Duché de Luxembourg sont des Etats qui ont déjà une longue expérience du service citoyen, l’audition de leurs responsables de projets a conforté les développements en cours dans le plat pays. En France, par exemple, le service citoyen connaît une expansion sans précédent. "La loi a été votée en mars 2010 et mise en application au mois de mai. Dès la fin de l’année, ils avaient plus de 10.000 jeunes engagés. Sept ans plus tard, ce sont 95.000 jeunes. Là, on voit vraiment en quoi le projet répond aux attentes des jeunes, puisqu’il y a plus de demandes que d’offres. Ils visent 350.000 jeunes, soit la moitié de la classe d’âge."
Groupe de pression, la Plateforme pour le Service Citoyen sensibilise, depuis plusieurs années déjà, les mandataires politiques et l’opinion publique sur les enjeux mis en œuvre dans cette approche. Face à la tentation de comparer le service civil au défunt service militaire, le directeur de la Plateforme réfute le rapprochement, même s’il retient deux fonctions semblables. La première ressemblance tient à la mixité sociale et culturelle, avec un dispositif qui intègre une dimension collective, notamment lors de la semaine de formation commune, en promotion, en début de service. "C’est un principe pédagogique pour développer l’ouverture aux autres et en faire une ressource." Le deuxième point commun est "de l’ordre du rite de passage: c’est une période en soi et pour soi, à temps plein, pendant un temps long, où on fait des choses qu’on ne fera probablement plus dans sa vie, avec des personnes qu’on n’aurait peut-être pas rencontrées. Ça constitue, en soi, une expérience structurante pendant laquelle le jeune grandit et mûrit. Plus le parcours est chaotique, plus ce sentiment est fort". Pour certains, cela s’apparente d’ailleurs à "un parcours de résilience", se réjouit l’anthropologue.
Une dimension citoyenne assumée
Au cours des six mois, les jeunes suivent des formations à la citoyenneté. Parmi celles-ci, il s’agit de "développer l’esprit critique à partir d’une meilleure compréhension des enjeux de société; mieux connaître les droits et devoirs civils et politiques". Pour réaliser le programme, des partenaires pédagogiques, qui sont des acteurs de terrain, entrent en jeu et varient ainsi les approches. Le service citoyen est d’ailleurs reconnu comme un cycle de formation à temps plein dans les Régions wallonne, bruxelloise et flamande. "C’est un projet de mobilisation de la jeunesse autour de la citoyenneté", souligne François Ronveaux. Pourtant, parmi les difficultés pointées, "il y a aujourd’hui une confusion par rapport au statut." En effet, dans une volonté de défrayer les jeunes, le service citoyen recourt au statut du volontaire, même si, fondamentalement, il se distingue du volontariat.
Une approche diversifiée
A ce jour, plus de 500 services citoyens ont déjà été proposés à des jeunes, âgés de 18 à 25 ans (voire 16 ans dans des cas exceptionnels) en Belgique. La diversité est de mise dans le profil des participants, puisqu’il est déjà arrivé que certains posent leur candidature en prison. Concrètement, les jeunes sont "en mission dans un organisme d’accueil" durant quatre jours par semaine, tandis qu’ils se retrouvent le cinquième jour, dans le cadre de leur promotion. "Dans la promotion, nous créons la mixité, en les répartissant de manière à ce qu’il y ait, par exemple, un jeune avec un bracelet électronique, deux jeunes porteurs de handicap, un physique et un mental léger, des universitaires, des jeunes sans diplôme, des réfugiés, des migrants, etc." Ceux qui ont une scolarité sans heurts peuvent être attirés par une telle expérience, qui les remotive, notamment après une recherche d’emploi infructueuse ou encore pour approfondir la connaissance de soi. "C’est un cadre bienveillant, qui rend confiance." Les raisons de la participation sont variées: l’altruisme occupe une bonne part des motivations des jeunes diplômés, tandis que d’autres viennent avec un projet "de formation ou d’immersion dans un milieu préprofessionnel". Quoi qu’il en soit, le besoin d’être utile anime la majorité des jeunes.
La résistance du milieu associatif
Etonnamment peut-être, le milieu associatif n’a pas vu d’un bon œil l’émergence du service citoyen. L’esprit de concurrence n’est pas loin… "Les plus proches sont ceux qui s’opposent le plus. C’est la peur d’un nouveau dispositif dont on craint qu’il mangerait les moyens affectés aux associations." Après quelques années de mise en pratique, la tendance s’est inversée en France et "l’entièreté du mouvement associatif et des organisations de jeunesse réclame le développement du service civique". François Ronveaux espère encore la création d’un statut pour les jeunes en service citoyen sous cette législature, avec une probable mise en œuvre sous la suivante. Un optimisme confirmé par le député bruxellois et à la Fédération Wallonie Bruxelles André du Bus: "Il se dit que la majorité fédérale avance sur une proposition concrète. Ce serait une bonne chose, même s’il faut rester vigilant sur la nature de ce statut, et s’assurer qu’il correspond bien à l’ADN du Service Citoyen. Il faudra aussi assurer la coordination avec les Communautés et les Régions qui en seront, demain, les opérateurs de terrain." Un projet à suivre dans les prochains mois…
Angélique TASIAUX