Ce 13 juin, au Palais des Académies, Steven Laureys a reçu le prestigieux Prix Francqui 2017. Ce prix récompense le travail de pionnier de ce professeur de neurologie à l’Université de Liège sur le coma et les autres troubles de la conscience. Ses découvertes ont aussi une influence directe sur les aspects éthiques et juridiques du débat sur l’euthanasie.
Cette année, le Prix Francqui était dédié aux Sciences Biologiques et Médicales et ce sont des recherches en neurologie qui ont été mises à l'honneur grâce aux travaux du professeur Laureys. Ce dernier est à la tête du Coma Science Group, un groupe transdisciplinaire reconnu mondialement dans le domaine de la recherche sur le coma et les troubles de la conscience. Par ce prix, le jury, composé d’experts internationaux de renom, a distingué ses recherches innovantes sur le diagnostic, le pronostic et le traitement des lésions cérébrales et des troubles de la conscience.
Conscient malgré un coma végétatif
Grâce à son approche multimodale, basée sur l’évaluation comportementale, les études électro-physiologiques et la neuro-imagerie fonctionnelle (PETscan et IRM), ont conduit le professeur Laureys à une découverte remarquable: pas moins de 40% des patients se trouvant après un coma dit "végétatif" sont en réalité conscients (pour certains à un degré minimal). Si elles sont incapables de répondre, ces personnes continuent néanmoins à ressentir des émotions et à souffrir. Steven Laureys a en outre identifié dans le cerveau humain non pas un, mais deux réseaux de conscience – externe (sur notre environnement) et interne (sur nous-mêmes). Un constat fondamental qui a conduit à une meilleure compréhension du réseau neuronal de la conscience, mais aide aussi à mieux prédire les chances de guérison.
Défis éthiques et juridiques
Les découvertes de Steven Laureys ont un énorme impact scientifique et clinique dans la perspective de percer le mystère de la conscience humaine. Mais elles mettent également l’accent sur les défis éthiques et juridiques relatifs aux patients dans le coma ou d’autres états apparentés, et font ainsi évoluer en profondeur le débat sur l’euthanasie et les soins chroniques. Le Professeur Laureys n’est pas effrayé par le rôle social qui est le sien en tant que scientifique, et tente de rationaliser les débats à l’aide de données fondées scientifiquement. "Notre recherche fait régulièrement l'objet de critiques de la part du mouvement chrétien pro-vie, mais aussi, à l’opposé, d’athées qui défendent le droit de mourir. Nous nous trouvons donc au milieu d’un pont pris pour cible des deux côtés à la fois: une preuve, à mes yeux, de notre approche nuancée", affirme Steven Laureys.
Les scientifiques et les laboratoires ont leur place à l’hôpital
Tout au long de sa carrière, le Professeur Laureys a combiné expertise clinique et scientifique : en tant que professeur clinique au département de neurologie de la clinique universitaire du Sart Tilman à Liège, et en tant que chercheur du Fonds francophone de la Recherche Scientifique (FRS-FNRS) lié au centre de recherche GIGA Consciousness de l’Université de Liège. Une combinaison dans laquelle Steven Laureys croit fermement : "Il faut que les scientifiques quittent leur tour d’ivoire pour rejoindre l’hôpital, c’est là également que doivent se trouver les laboratoires de recherche. Ce n’est qu’en faisant face aux problèmes concrets auxquels les gens sont confrontés que la science peut s’ancrer dans la réalité."
Le Professeur Laureys se montre un défenseur humaniste et charismatique du droit à une meilleure qualité de vie et de soins pour ses patients. Il a ainsi préconisé l’utilisation du terme d’"état non répondant", plus respectueux que celui de "végétatif" jusque-là généralement utilisé. En raison de son engagement indéfectible pour ce groupe de patients souvent mal diagnostiqué et oublié, le Professeur Laureys est consulté par des familles du monde entier.
P.G. (avec Fondation Francqui)