Indignées… Le mot est faible pour deux asbl belges, à la suite du refus d'octroi d'un visa à un ressortissant sénégalais qui devait tenir une conférence fin mai en Belgique. Elles fustigent la politique de l’Office des étrangers.
Depuis 2011, l’Institut Saint-Charles de Luingne réalise chaque année, un voyage d’éveil à la coopération au développement au Sénégal avec les élèves de rhéto et parraine certains projets dans le village de Guélack. Fort des liens qui unissent l'école à l’ASBL Chemins Croisés et à l’ASBL Baobab, un ressortissant sénégalais Doudou Sow avait été invité à venir témoigner auprès des jeunes de l'institut et à présenter une conférence publique le 23 mai dernier. L'objectif était aussi, pour cet homme, de simplement partager un moment avec ses amis belges. Doudou Sow a depuis plus de 30 ans contribué au développement de son village - Guélack - aux moyens de pratiques agro-écologiques innovantes qui lui permettent de lutter contre la désertification et donner une autonomie alimentaire à son village planté en plein cœur du Sahel. Il est aussi président de l’Union des agro-pasteurs de toute la région de Rao au nord du Sénégal.
Dossier en ordre et… rejeté
Une demande de visa a donc été déposée à l’ambassade belge de Dakar le 4 mai dernier, et l’octroi du visa devait se faire en deux semaines, si tout allait bien. Après une longue attente sans aucune nouvelle, et au grand étonnement des responsables des deux asbl, le verdict est tombé le jeudi 8 juin de la part de l’Office belge des étrangers: la demande de visa de Doudou Sow est rejetée. A la date du 15 juin, aucun motif n’est fourni malgré plusieurs demandes à l’ambassade de Belgique à Dakar et à l’Office des étrangers. Le dossier était pourtant complet et totalement en ordre aux dires de l’ambassade.
Visiblement, ce n'est pas un cas isolé puisque nous apprenons que les refus semblent être devenus la norme. Nicolas Van Nuffel, responsable du département Plaidoyer et Cécile Vanderstappen, chargée de recherche pour la justice migratoire au sein du CNCD-11 11 11 ont confirmé cette situation et fourni des exemples multiples.
"Nous sommes consternés par cette situation d’injustice totale et nous ne pouvons que fustiger la politique de l’Office des étrangers qui laisse traîner (volontairement?) les choses pour décourager et empêcher les gens des pays en voie de développement d’entrer chez nous, même pour un court séjour. L’enjeu financier n’est pas mince non plus puisque toutes ces démarches sont payantes et plus de 200€ ont été dépensés en frais administratifs, frais d’envoi, assurance... et un billet d’avion réservé", soulignent les organisateurs. Et d'ajouter: "Nous sommes gênés de pouvoir nous rendre chaque année au Sénégal en n’ayant rien à demander à personne alors qu’on empêche un ami sénégalais de venir passer un séjour chez nous. Le Sénégal est le pays de la Téranga (hospitalité). Quelle image leur donne-t-on de l’hospitalité belge?"
Même si les trois entités disent pouvoir comprendre qu’à l’heure actuelle certains contrôles soient nécessaires, elles précisent: "Nous ne pouvons que nous révolter face à cette dangereuse dérive de notre pays dont nous ne sommes vraiment pas fiers sur ce point. Aujourd’hui un être humain, parce qu’il est né dans un pays du Sud est interdit de passage en Belgique. Les honnêtes gens ne sont donc pas tous libres de circuler dans un monde qui appartient à tous parce qu’ils ne sont pas nés dans le bon pays?"
J.J.D.