
Credit: Laurie Sparham / Bleecker Street
Un film, un scénario et des acteurs exemplaires au service de la mémoire de la Shoah: Denial est l’histoire vraie du « procès du siècle » qui a opposé, de janvier à avril 2000, une historienne juive à un universitaire négationniste.
Denial raconte l’histoire de Deborah Lipstadt, historienne et auteure reconnue qui défend farouchement la mémoire de l’Holocauste. Elle se voit confrontée à un universitaire extrémiste, avocat de thèses controversées sur le régime nazi, David Irving. Il la met au défi de prouver l’existence de la Shoah. Sûr de son fait, Irving assigne en justice Lipstadt. Elle se retrouve dans la situation aberrante de devoir prouver l’existence des chambres à gaz. Comment, en restant dans les limites du droit, faire face à un négationniste prêt à toutes les bassesses pour obtenir gain de cause, et l’empêcher de profiter de cette tribune pour propager ses théories nauséabondes?
Ce film, tous, en particulier les professeurs et étudiants, devraient le voir tant il interpelle et pose des questions. Outre l’affaire et son épilogue connus et médiatisés à l’époque, il y a les questions soulevées, ouvertes, voire fermées par ce jugement et notamment: jusqu’où va la liberté d’expression? Peut-on exprimer ce que l’on pense mal ou à tort, ce qui est faux quand on croit que c’est vrai? C’est aussi un procès de mémoire, celui de l’Holocauste comme on le nomme dans le film. C’est celui du refus de l’oubli et du refus du déni. C’est celui du droit à la parole pour les victimes et les morts. Comment faire entendre la souffrance de six millions de Juifs? Ce sont donc deux conceptions de la société et du droit en particulier qui nous sont données à connaître. Deborah devra modifier complètement son point de vue, assurée de son bon droit. Elle sera confrontée à d’autres règles dont l’une l’oblige à prouver ce qu’elle affirme, à savoir l’existence de chambres à gaz et le fait qu’Hitler a bien demandé l’extermination des Juifs, contre son détracteur qui affirme, lui, que rien ne le prouve. Le spectateur est alors lui aussi confronté à cela: mais oui, quelles sont les preuves? Pour rhétorique qu’elle soit, la question est aussi insidieuse que séditieuse. Il ne reste que des bâtiments bombardés, des photos sujettes à interprétation, peu ou pas d’écrits qui font force de loi. Et c’est bien ce sur quoi s’appuient aujourd’hui nombre de négationnistes dont certains se parent des plumes du statut d’historien.
Nous avons tellement été habitués aux films de procès américains dont on retient surtout le fameux « objection, votre Honneur! » que la confrontation au droit anglais nous surprend autant que Deborah Lipstadt. Sa culture est toujours en contestation de celle, anglaise, dont elle est originaire: « Je suis Américaine, je ne baisse pas la tête!« , dira-t-elle à un de ses avocats lorsqu’il lui est demandé de s’incliner comme le protocole de la Cour l’exige.
Tout à la fin du film, avant que le verdict soit prononcé, Deborah, après avoir fait tout un chemin dans les arcanes judiciaires anglais, pourra, avec tous ceux qui sont réunis dans le tribunal, incliner la tête à l’arrivée du juge!
Bref, un film à voir absolument, tant pour le thème abordé que pour sa construction.
Charles DE CLERCQ – RCF
Ceux qui souhaitent en savoir plus avant ou après la projection trouveront une étude plus poussée sur www.cinecure.be/1390.
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