« La confession » est une nouvelle adaptation au cinéma du roman « Léon Morin, prêtre » publié en 1952 par Béatrix Beck. Loin d’une énième variation sur le célibat des clercs, ce film pose la question de l’amour et de l’engagement d’une vie.
L’histoire se déroule au printemps 1945, dans le sud-ouest de la France. La population vit au rythme des derniers mois de l’Occupation allemande. Barny, 25 ans, communiste et athée, travaille dans un bureau de poste d’une petite ville, dont le personnel est exclusivement féminin. L’arrivée d’un nouveau prêtre dans la paroisse ne va pas laisser ces femmes indifférentes, mis à part Barny. Elle décide un matin de se rendre à son tour à l’église pour affronter l’abbé dans son confessionnal et le défier. C’est ce qu’elle « confesse » sur son lit de mort et que l’on découvre à l’écran.
Ce sont, d’abord, la reconnaissance de l’absence ou silence de Dieu et, ensuite, celle de l’importance de l’amour de Dieu et de l’amour humain, qui résonnent dans ce film. Toutes ces choses que l’on entendra au cœur même de celui-ci, lors d’une prédication de l’abbé Léon Morin sur la première lettre de saint Paul aux Corinthiens: « S’il me manque l’amour, je ne suis rien. ».
« La Confession » parlera certainement au cœur des croyants, mais pas seulement. Beaucoup songeront au célèbre film de Melville, mais le réalisateur Nicolas Boukhrief n’en a pas fait un remake cinquante-cinq ans plus tard. En revanche, sa version adapte le roman qui a également obtenu le Goncourt. « A »dapte » est le verbe qui convient, car il s’agit plus d’un film ’d’après’, ’inspiré de’… Si relecture du livre il y a, celle-ci s’écarte de celui-ci et fait œuvre novatrice et résolument moderne.
Charles De CLERCQ, RCF
Interview de Nicolas Boukhrief
Pourquoi adapter à l’écran un livre écrit il y a soixante-cinq ans?
Je trouve ce livre totalement actuel. Il y a des histoires éternelles (‘Madame Bovary’ en est une) et celle qui est racontée dans ‘Léon Morin, prêtre’ en fait partie. Ce n’est pas une histoire d’amour impossible, c’est une histoire d’amour autrement, entre un jeune prêtre et une jeune communiste qui vient le provoquer sur le terrain de sa spiritualité. Le dialogue qui s’ensuit est plus que jamais d’actualité.
C’est la première fois que vous écrivez seul votre film?
En fait, c’était également le cas pour mon premier film: je ne savais pas ce que j’allais raconter et donc encore moins comment l’expliquer à quelqu’un d’autre. Par après, j’ai coécrit mes scénarios. Ici, je n’ai pas le sentiment d’avoir écrit le film seul, mais de l’avoir fait avec Béatrix Beck. Je puis même aller plus loin puisqu’au départ c’est une histoire en partie autobiographique pour la romancière, celle avec le prêtre qu’elle appelle Léon Morin. J’avais l’impression d’écrire aussi le film avec ce prêtre dont elle a recueilli les paroles et qu’elle a retranscrites dans son livre.
Vous avez choisi deux acteurs talentueux pour interpréter les personnages principaux!
Oui, j’ai écrit en pensant à Romain Duris car je voulais un acteur qui soit heureux, léger, dansant, malicieux, souriant. Romain a très vite accepté, il avait toujours rêvé d’interpréter un prêtre. Pour sa partenaire, j’ai fait appel à un casting plus classique qui m’a fait découvrir Marine Vacth. J’ai été fasciné par ses silences. Ils étaient « habités » et m’ont impressionné. Elle avait aussi une grande capacité d’écoute. C’était important pour un film qui comporte beaucoup de dialogues qui ont trait à la spiritualité.
Romain Duris est un acteur qui a beaucoup de présence. Ici, il s’efface au profit de son personnage. Peut-être à cause de sa soutane?
Romain a abordé ce rôle avec une très grande humanité. Son obsession était, je pense, qu’il fallait que l’on croie qu’il croit! Et cela, sans ostentation. Il est parti dix jours dans un monastère, pour se préparer, faire totalement le vide, oublier sa vie parisienne, urbaine, tous ses films précédents. La soutane qu’il porte est d’époque; ce n’est pas un costume fabriqué un mois avant! Elle était chargée de quelque chose. De toute sa carrière, c’est le vêtement auquel il a fait le plus attention.
Vous avez condensé en quelques mois un récit qui, dans le roman, s’étire sur plusieurs années…
Oui, cela se passe en fin 1944, juste avant la libération. Nous sommes dans la période où les Allemands ont commis les plus grandes exactions, ils se sont déchaînés. C’était important de faire naître de l’amour dans cette période violente et trouble.
Dans le roman, l’actrice est veuve et donc « libre ». Ici, elle est mariée, son mari est prisonnier en Allemagne. Vous n’avez pas voulu faire un film sur le célibat du prêtre?
Vous avez raison, ce n’est pas le sujet de ce film! Comment échapper à cela? Dans le livre, lui est prêtre, elle est veuve… et donc « disponible », lui pas! A l’époque, cette question ne se posait pas, mais bien aujourd’hui. J’ai donc fait de mon personnage une femme mariée, ayant une responsabilité morale vis-à-vis de son mari prisonnier en Allemagne. Elle ne peut le trahir, ce serait affreux. Il a un interdit, elle a un interdit. Ce n’est donc pas l’histoire d’un prêtre qui va renoncer à ses vœux pour partir avec une femme, ce n’est pas cela le sujet. Comment l’amour va-t-il circuler entre ces deux êtres?
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