Mgr Vingt-Trois, archevêque de Paris, a engagé un procès canonique contre le P. Tony Anatrella, prêtre-psychanalyste, accusé d'agressions sexuelles sur plusieurs patients. C'est l'officialité interdiocésaine de Toulouse qui instruira l'affaire.
L'information de cette procédure canonique a été faite par l'archevêché de Paris. Elle intervient quelques mois après la mise en place, cet été, d'une commission d’audition chargée de recueillir les témoignages d'anciens patients victimes de ce prêtre accusé d'avoir mené des thérapies déviantes sur de jeunes hommes dans son cabinet de psychanalyste. C'est donc sur base du rapport de cette commission que l'archevêque de Paris, le cardinal André Vingt-Trois, a considéré que la procédure canonique devait être poursuivie, sans donner de précisions sur les éléments justifiant cette enquête.
Le P. Tony Anatrella était "spécialiste en psychiatrie sociale", et connu pour ses écrits sur la sexualité des adolescents. Jusqu'à l'an passé, il donnait cours au Collège des Bernardins et fut "consulteur" auprès de deux conseils pontificaux (famille et santé) au Vatican. Il avait également collaboré par le passé avec l'officialité (tribunal ecclésiastique) provinciale de Paris en tant que consultant pour des expertises de prêtres soupçonnés de pédophilie ou d’abus sexuels. Du coup, ne pouvant pas être jugé par cette même instance, l'archevêque de Paris a demandé au Tribunal suprême de la signature apostolique (juridiction supérieure du Vatican) de dépayser la procédure: l'officialité interdiocésaine de Toulouse a ainsi été désignée fin janvier par l'instance vaticane pour instruire l'affaire.
La parole des victimes enfin prise en compte
Pour le dominicain Philippe Lefèbvre, qui a récolté le témoignage de plusieurs victimes de ce prêtre, cette ouverture de procès "est un pas de plus vers le jour où Mgr Anatrella devra rendre compte de ses actes". Professeur d'Ancien Testament à l'Université de Fribourg, ce religieux avait averti depuis longtemps plusieurs évêques français. Sans succès, jusqu'à l'été 2016. C'est finalement Mgr Eric de Moulins-Beaufort, responsable de la commission d’audition qui a récolté le fruit de son travail de dix ans, sous forme de documents écrits.
Aujourd'hui, le bibliste se dit rassuré à l'annonce de ce procès canonique. "L'Eglise prend enfin la réalité au sérieux. On est passé de la 'rumeur' à une réelle prise en compte de la parole des gens." Mais il aura fallu une quinzaine d'années de soupçons pour qu'une procédure canonique soit engagée. En face, le P. Tony Anatrella, qui n'exerçait plus de ministère pastoral depuis plusieurs années, a toujours farouchement nié avoir eu le moindre geste déplacé à l'égard de patients, en particulier à l'époque des trois plaintes pour "agressions sexuelles" qui n'avaient pas abouti, en 2008, notamment parce que les faits étaient prescrits.
P.G. (avec Cath.ch)