Des milliers d’enfants ont été enrôlés dès 12-13 ans par les forces combattantes en Colombie. Pour ceux qui sont démobilisés ou qui s’enfuient, il faut ensuite réapprendre à vivre. Un enjeu crucial dans le processus de paix, auquel s’attellent les centres Don Bosco dans le pays.
Appelons-la Sandra. Malgré son allure de jeune femme, elle a vécu davantage d’épreuves que beaucoup d’adultes. Elle ne porte pas de maquillage, très peu de bijoux et une tenue assez masculine. Si elle n’avait pas les cheveux longs, on pourrait la prendre pour un chico (garçon). Une image sérieuse qui reflète son parcours mouvementé d’à peine 20 ans. En quelques mots pudiques, elle évoque une vie de famille tendue pendant l’enfance, en raison de la brutalité de son beau-père. A l’adolescence, elle décide de partir. Elle atterrit dans la jungle armée de Colombie. Là, on lui apprend qu’il est normal de tuer. C’est même une nécessité: « Si je ne tue pas, ils vont s’en prendre à ma famille. » La guerre psychologique s’ajoute à la violence des armes.
Beaucoup de filles sont recrutées par la guérilla colombienne. Elles deviennent les petites amies des chefs. Parfois, elles les épousent. Mais les soldats ne laissent aucune place aux enfants et poussent leurs compagnes à avorter à chaque début de grossesse. Pour celles qui bénéficient d’une contraception médicamenteuse, elle ne correspond pas à leurs morphologies d’adolescentes. Quand une jeune femme a déjà dû interrompre cinq ou six grossesses, ou qu’elle a reçu des doses hormonales d’adultes, cela laisse forcément des traces dans sa chair et dans son esprit. « Nous ne sommes pas des êtres humains, nous sommes des objets entre leurs mains« , témoigne anonymement une des victimes.
Le parcours de Marco (prénom d’emprunt) commence par le même constat d’un malaise familial. Avec son frère, il se laisse recruter comme soldat « par curiosité« . Les groupes armés leur fournissent une certaine discipline, la camaraderie et l’aventure. L’enfant y trouve sa place pendant plusieurs années, jusqu’à ce que son frère soit tué. « Je n’avais plus de raisons de continuer« , reconnaît-il alors. Il s’enfuit, prenant le risque d’être fusillé comme déserteur. Au bout de sa route, il découvre le centre Don Bosco de Medellin qui travaille depuis quinze ans à réinsérer dans la société ceux et celles qui étaient enfants-soldats. (…)
Anne-Françoise de BEAUDRAP
*Les craintes de représailles expliquent que ces personnes témoignent anonymement sous des prénoms d’emprunt.
> Lire la suite de cet article dans le journal Dimanche n°7 du 19 février 2017 – S’abonner à Dimanche