Thomas d’Ansembourg: “La paix, ça s’apprend”


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Thomas d’Ansembourg: “La paix, ça s’apprend”
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Par La rédaction
Publié le - Modifié le
5 min

En réaction aux attentats européens, deux écrivains belges aux parcours différents, l’un de Flandre, l’autre de Bruxelles, ont choisi d’unir leurs forces créatives pour composer un livre au titre explicite: "La paix ça s’apprend".

Auteur remarqué du livre "Congo", David Van Reybrouck est un historien de la culture, archéologue et philosophe de la KUL. Thomas d’Ansembourg est un juriste devenu thérapeute, auteur d’ouvrages de développement personnel. Les deux hommes, au parcours différent, se sont rencontrés lors du sommet citoyen organisé par le G1000. Ensemble, ils ont écrit un livre à quatre mains: "La paix ça s’apprend". Rencontre avec Thomas d’Ansembourg, qui revient sur la nécessité d’informer le public et les dirigeants de l’existence d’outils de pacification.

Le mot "paix" a-t-il la même signification pour tous?

Oh, sûrement pas. Il y a autant de définitions que d’êtres humains intéressés par cette notion. Il s’agit d’un état de paix intérieure de plus en plus profond, de plus en plus stable, transportable à travers les difficultés et qui se révèle contagieux. C’est un état qu’on apprend à nourrir petit à petit, selon une courbe d’apprentissage. On n’apprend pas la conduite d’une voiture ou des mathématiques ou une langue étrangère du jour au lendemain! Mais, on l’apprend et, tôt ou tard, on en a du plaisir.

Cet apprentissage ne relève-t-til pas de l’utopie?

Si vous demandez à un enfant de monter sur un vélo, il va vous dire: ‘c’est complètement utopique, ça ne tient pas ce truc, il faudrait qu’il y ait trois pieds’. Et petit à petit, en apprenant, il réalise qu’il ne faut pas trois pieds, qu’il suffit de trouver l’équilibre. Il faut revenir à l’étymologie du mot utopie: se rendre vers un autre lieu parce que le lieu où nous sommes aujourd’hui n’est pas très plaisant. Chacun de nous peut réaliser qu’il y a beaucoup de souffrance, de solitude, de désarroi, de couples en tension, de divorces douloureux, d’enfants en peine d’addictions. Nous sommes dans une société qui est en peine de sens, qui n’en trouve plus dans les références traditionnelles et qui a besoin de se remettre en question profondément. C’est une période de transition, avec des choses qui s’écroulent, une ambiance mortifère, des vieux systèmes qui disparaissent, des replis intégristes, des retours dans le passé. Et cependant, il y a une vie nouvelle qui effleure, avec beaucoup de coopération et de partage, des systèmes associatifs… C’est le sens du livre: ne restons pas sidérés et prostrés devant ces attentats, il y a en nous une puissance de transformation individuelle ou collective aussi considérable qu’ignorée. Apprenons à utiliser cette puissance de transformation qui est
en nous.

Les philosophies et les religions doivent-elles aussi se remettre en question?

Elles ont besoin de se rapprocher des gens. Nous avons besoin d’une sécularisation des religions, mais également d’une spiritualisation du siècle. Notre société matérialiste est en train de s’étouffer et a besoin de retrouver le contact nourrissant et fécond avec la vie intérieure. Je ne pense pas qu’on soit dans un siècle non spirituel, au contraire, on est vraiment dans un siècle qui cherche le démantèlement d’habitudes qui peuvent avoir pour risque une certaine sclérose, et parfois même une tension.

Et concrètement? Comment nettoyer son esprit?

Dans les années qui viennent, nous allons transformer nos mesures d’hygiène psychique. Nous allons apprendre à prendre du temps pour nettoyer notre intérieur de ce qui l’encombre, le matin, à midi, le soir par un petit rituel, en sorte d’être ouvert, disponible, d’être fluide, bienveillant; de ne pas être encrassé de cette tension, de ces replis, de ces craintes, d’utiliser cette intelligence émotionnelle pour transformer ça. Utiliser la peur, la colère, la tristesse comme des leviers. Socrate l’a bien dit, et on oublie souvent la deuxième partie de la phrase: "Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux." L’univers, c’est-à-dire ta place dans la nature, dans le cosmos, qui tu es vraiment dans cet univers, mais également le sens, la transcendance, la dimension sacrée. A l’inverse, il y a nombre d’êtres qui ne se sentent pas vivants et qui retrouvent un ersatz de vie dans la tension, la colère, l’opposition. La vraie vie est, elle, fluide et joyeuse.

En acceptant sa vulnérabilité, l’individu trouve-t-il sa vraie force?

C’est en acceptant qui je suis vraiment dans ma fragilité, ma délicatesse, ma profondeur que je peux vraiment ancrer mon être et y trouver la vraie force. Tant de gens s’embarquent dans une illusion tragique. Tous ces jeunes gens qui veulent être beaux, forts, puissants, avoir beaucoup d’argent. Ils oublient profondément qu’ils ont besoin d’être heureux et qu’être heureux, ça demande de pouvoir accepter son ombre et de la côtoyer. Et plus j’accepte mon ombre, plus j’accepte l’ombre de l’autre. Sinon, je veux juste me voir fort et lumineux, en détestant l’ombre de l’autre qui me rappelle la mienne. (...)

> Lire la suite de cet article dans le journal Dimanche n°8 du 26 février 2017 - S'abonner à Dimanche

Propos recueillis par Angélique TASIAUX et Jean-Jacques DURRÉ

Réécoutez l’interview de Thomas d’Ansembourg sur www.CathoBel.be, dans l’émission "En débat", qui a également été diffusée le 9 février à 11h sur RCF Liège."La paix ça s’apprend. Guérir de la violence et du terrorisme", David Van Reybrouck et Thomas d’Ansembourg. Actes Sud, collection Domaine du possible, janvier 2017.

Catégorie : Culture

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