"Mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonné?" Voilà la question qui traverse le dernier film de Martin Scorsese. Et qui ne reçoit comme réponse que le silence, propice au doute...
Silence est une œuvre cinématographique qui respecte les codes habituels du genre. Mais c’est avant tout un acte de foi. Non pas de propagande, mais de témoignage à travers l’adaptation du roman d’un écrivain catholique japonais qui lui-même narrait une histoire vraie se situant au XVIIe siècle. Cette histoire, c’est celle de deux prêtres jésuites qui se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme. Le bruit court qu’il aurait renié le Christ. Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves.
Perceptions de la foi
Dans ce long-métrage de 2h40, Scorsese pose une question à la fois très humaine et très "divine", celle-là même qui faisait l’objet de son film controversé, La dernière tentation du Christ (1988): la question du doute. Le Christ pouvait-il choisir une autre voie et douter? Les prêtres au Japon pouvaient-ils douter face à la torture, en particulier s’ils n’en sont pas l’objet au premier chef? Ce sont ces questions et d’autres qui rendront probablement le film inclassable et feront que l’accent sera mis sur l’aspect religieux.
Pour son film, Scorsese garde le même principe de narration que le roman: Rodrigues écrit un journal à destination de son supérieur au Portugal. Ce récit est "donné à entendre" par la voix off du Père Rodrigues, ensuite, ce sont des tiers qui, par des lettres, racontent son histoire après une décision fondamentale qui va bouleverser sa vie et celle d’autres. Il n’y a quasiment voire pas de musique. Seulement des sons "naturels" et une voix "off" qui permet de prendre connaissance du cheminement, des états d’âme et des questions de celui-ci. Les échanges avec le père Garupe, le confrère jésuite, sont intenses et laissent entrevoir des perceptions différentes de la foi alors qu’ils se posent des questions sur l’apostasie éventuelle, mais impensable de leur mentor Ferreira.
La première partie du film suit l’itinéraire des frères Rodrigues (Andrew Garfled) et Garupe (Adam Driver) depuis le Portugal. Arrivés au Japon, ce sera un périple secret dans les villages à la rencontre des habitants convertis au catholicisme alors que celui-ci est interdit au Japon. Leur foi sera, déjà là, soumise à l’épreuve, notamment celle du doute face aux tortures qu’ils voient (dont une troublante et terrifiante scène de crucifixion et en même temps d’une étrange "beauté" dans la foi) ou dont leur font part les villageois. C’est aussi le récit de différentes apostasies forcées, consenties ou refusées face à l’épreuve de la torture. (...)
Charles DE CLERCQ Photo ©Kerry Brown
> Lire la suite de cet article dans le journal Dimanche n°7 du 19 février 2017 - S'abonner à Dimanche
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