On n’y croyait plus, mais la ténacité des évêques et les efforts de l’Eglise et du pape François ont fini par aboutir à un accord politique en République Démocratique du Congo (RDC), entre majorité et opposition.
Les négociations, qui avaient été mises en veilleuse le week-end dernier dans l’attente du retour des président et vice-président de la Conférence épiscopale nationale congolaise (CENCO) ont repris mercredi 21 décembre. Mais, elles semblaient être au point mort.
Appel du pape
Lors de l’audience générale de mercredi matin, la dernière avant Noël, le pape François – qui s’est fort impliqué pour soutenir les évêques congolais dans leur médiation – était revenu sur la crise politique qui secoue actuellement la RDC. Crise provoquée par la fin du mandat du président Joseph Kabila depuis le 20 décembre, alors qu’aucune élection n’a été organisée pour lui trouver un successeur et tenant compote du fait que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) estimait ne pas pouvoir organiser le scrutin avant avril 2018.
Des violences ont encore secoué la capitale Kinshasa, et d’autres villes du pays en début de semaine, notamment Lubumbashi, faisant neuf morts selon le gouvernement et une vingtaine selon la mission de l’ONU dans le pays. Dans ce contexte, François avait tenu à lancer un nouvel appel pour la paix et la concorde nationale: « Je renouvelle un appel vibrant à tous les Congolais pour que, dans ce moment délicat de leur histoire, ils soient des artisans de paix et de réconciliation. En assurant de mon soutien et de mon affection le cher peuple de ce pays, j’invite tous à se laisser guider par la lumière du Rédempteur du monde, et je prie afin que Noël ouvre des chemins d’espérance. » Un appel qui faisait donc suite à la rencontre du souverain pontife, avec le président et le vice-président de la conférence épiscopale de RDC.
Régulièrement informé de la situation dans cet immense pays d’Afrique, le pape François s’était aussi explicitement adressé aux responsables politiques de RDC, en appelant à ce que « ceux qui ont des responsabilités politiques écoutent la voix de leur propre conscience, sachent voir les souffrances cruelles de leurs compatriotes et aient à cœur le bien commun ».
Ultimatum des évêques congolais
Les discussions entre majorité et opposition avaient repris mercredi sous l’égide de l’Eglise catholique qui avait déclaré, en termes très forts, souhaiter clore les pourparlers avant Noël. « La Conférence épiscopale nationale du Congo n’est pas disposée à des prolongements indus et à des manœuvres dilatoires », avait indiqué Mgr Marcel Utembi, le président de la CENCO. « Si les acteurs politiques et de la société civile n’arrivent pas à un compromis à cette échéance, à faire des concessions pour une gestion consensuelle de la période transitoire, la CENCO en tirera les conséquences qui s’imposent ».
Les évêques congolais avaient inscrit quatre points majeurs sur la feuille de route des négociations: la non candidature de Joseph Kabila à un troisième mandat, la non modification de la constitution, le calendrier de l’élection présidentielle et l’architecture institutionnelle à mettre sur pied pour encadrer le processus. Jusque tard dans la nuit de jeudi à vendredi, les délégués des signataires de l’accord du 18 octobre entre la majorité et une partie de l’opposition, et ceux du Rassemblement formé autour d’Etienne Tshisekedi, ont donc négocié, poussés par l’Eglise, pour conclure un compromis politique. Il semble que tout s’est accéléré et que le camp du président Kabila a finalement lâché du lest, alors que jusque là il se limitait à affirmer que le président « respecterait la constitution », laissant entrevoir que Joseph Kabila ne se représenterait pas, mais sans apporter de preuves formelles de cette intention.
Cette fois, selon l’AFP, contrairement aux conclusions de l’accord du 18 octobre, Joseph Kabila a accepté qu’il soit clairement stipulé dans le nouvel accord qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Le président congolais s’est également engagé à ne pas initier un quelconque changement de la Constitution dans ce sens durant la période qui s’ouvre après le 19 décembre. Par ailleurs, le Rassemblement d’Etienne Tshisekedi obtient la création d’un Conseil national de transition qu’il a toujours réclamé, même s’il subsiste un doute sur la dénomination exacte de cet organe. Sa mission est toutefois clairement définie: veiller au respect de l’accord conclu et à ce que l’élection présidentielle ait lieu en décembre 2017 comme le réclamait les opposants qui craignaient de voir s’éterniser Joseph Kabila jusqu’en avril 2018.
Mais l’opposition a dû elle aussi, faire un geste: elle a accepté que Joseph Kabila reste à la tête de l’Etat jusqu’à la passation de pouvoirs avec un successeur élu alors qu’elle réclamait son départ immédiat. Précisons que si la Constitution congolaise prévoit bien qu’en cas de vacance du pouvoir, le président du Sénat – en l’occurrence Léon Kengo – assume l’intérim comme chef de l’Etat, il y un « hic »: comme pour Joseph Kabila, sa légitimé est bancale puisque la RDC n’a pas organisé d’élections législatives depuis plus de quatre ans!
L’AFP précise que l’opposition a aussi obtenu la garantie que le président ne chercherait pas à contourner d’une façon ou d’une autre l’interdiction constitutionnelle qui lui est faite de se représenter. Les parties se sont donc engagées à ne pas recourir au référendum ou tout autre moyen de modification ou de changement de la Constitution pendant la période de transition.
Compte tenu de cet accord et même s’il n’est pas encore signé, il faut espérer que la « rue » ne manifeste plus afin d’éviter une répression qui, inévitablement, ferait à nouveau des victimes. L’Eglise congolaise, avec le soutien ferme du pape François, s’est engagée totalement dans la recherche d’un accord entre le camp du président et ses opposants. Sa fermeté a payé. Son appel et celui de François ont été entendus: un beau « cadeau » à la veille de la fête de Noël.
J.J.D. (Avec Radio Vatican)