
Un jeune musulman explique aux visiteurs les gestes qui seront accomplis sous la conduite de l’imam (photo Ricardo Heredia)
Une très belle rencontre islamo-chrétienne a eu lieu le weekend dernier à Louvain-la-Neuve. Près de 150 personnes se sont ainsi rendus successivement à l’église Saint-François et à la nouvelle mosquée pour découvrir les lieux et mieux connaître l’Eucharistie et la « Salat ».
Curé de la paroisse Saint-François, le P. Dominique Janthial a expliqué, à partir de l’Ancien Testament, la purification progressive du sens du sacrifice à Dieu, aboutissant finalement au sacrifice que Jésus fit de sa vie pour le salut de son peuple lors du repas pascal que chaque Messe commémore. Bruno Vermeire, modérateur de tout l’après-midi, a donné ensuite la parole à Isabelle Eliat-Serck qui a insisté, quant à elle, sur la priorité absolue, en religion, de l’attitude du cœur et du comportement très concret de tous les jours. Si la foi se contente des croyances et des rites, elle risque d’être un ferment de division entre les humains. L’important est donc que ces rites et croyances servent à « nous reconnecter à notre cœur et au feu d’amour divin qui brûle pour tous nos frères en humanité et pour toute la création ».
Après l’église, le groupe s’est rendu à la mosquée où Youcef Bouterfa a raconté la longue histoire de ce beau bâtiment récemment inauguré, une histoire commencée dans un petit local près du centre sportif en 1978. Hakim El Khayari a ensuite expliqué le sens profond de la pratique principale, la « Salat » (mot arabe qui signifie le lien, le contact direct entre le serviteur et son Seigneur), cette série de gestes très précis entrecoupés de silences et de psalmodies du Coran, en particulier les prosternations « face contre terre » par lesquelles le musulman reconnait sa petitesse devant le Seigneur de l’univers. Il rapprocha ce geste de celui de Jésus en prière à Gethsémani.
Témoignage personnel
Un moment très fort de l’après-midi a été le témoignage très personnel d’une musulmane, Hanan Benkadour, qui a évoqué sa foi comme un voyage intérieur vers une maturation et une ouverture progressive du cœur aux autres, en particulier les personnes d’autres convictions. « L’islam, dit-elle, n’empêche pas d’avoir l’esprit critique. » Les actes violents commis au nom de sa religion l’ont fait douter, mais le groupe islamo-chrétien lui a offert la possibilité de les exprimer et ainsi de les dépasser dans une décision de s’investir pour changer les choses. Elle espère que la nouvelle mosquée favorisera l’ouverture aux autres, contrairement à l’ancien petit espace de 43m2 qui faisait plutôt penser à un lieu secret, comme quelque chose de louche ! Le groupe l’aide dans son cheminement et la rend plus forte dans sa foi, qu’elle vit maintenant dans chaque geste du quotidien, tout en espérant pouvoir désormais rejoindre la prière communautaire du vendredi midi.
Pour les chrétiens, un autre moment fort de la rencontre a été de pouvoir assister à la prière musulmane du coucher du soleil, dans la très belle salle de prière. Certains ont même accompli les gestes d’inclination et de prosternation, car ce sont des gestes naturels d’adoration, nullement réservés aux seuls musulmans.
Joie fraternelle
Au terme de cette journée régnait une joie fraternelle d’avoir vécu quelque chose de fort, d’avoir expérimenté une unité humaine et religieuse de fond au-delà de la diversité des rites. Gageons qu’il en résultera un changement profond dans le regard des uns sur les autres et donc un grand pas en avant vers plus de confiance mutuelle. Car la méfiance et la peur créées par l’amalgame entre islam et terrorisme sont un poison des relations humaines. Il ne suffit pas de se tolérer, ni même de se respecter, il faut oser se regarder comme des frères et des sœurs en humanité, et ceci est plus important que jamais, si l’on veut éviter les dérives auxquelles on a assisté aux Etats-Unis et les problèmes redoutables qui en résulteraient pour nos sociétés.
Philippe de Briey