Que ce soit au retour d’Assise, dans l’avion et une fois rentrés en Belgique, les participants belges à la 30ème rencontre interreligieuse ‘dans l’esprit d’Assise’ ramènent des impressions enthousiastes et encourageantes. Compte-rendu de notre envoyé spécial.
Non seulement trois évêques catholiques – l’évêque Johan Bonny d’Anvers, l’évêque Jean-Pierre Delville de Liège et l’évêque auxiliaire Leon Lemmens du Brabant flamand et de Malines – et une trentaine de membres et sympathisants belges de Sant’Egidio étaient descendus à Assise pour « Soif de Paix », la 30ème rencontre interreligieuse « dans l’esprit d’Assise ». Le Grand rabbin Albert Guigui de Bruxelles avait aussi fait le déplacement, tout comme le métropolite orthodoxe Athénagoras Peckstadt, ainsi que le responsable des imams et théologiens musulmans pour l’Exécutif des musulmans de Belgique, Taher Tugjani, et son vice-président, Mohamed Achaibi.
Ces derniers ont eu l’occasion de rencontrer le Pape François pendant quelques moments, ce dont Mohamed Achaibi se réjouit encore: « Le pape était particulièrement chaleureux et empathique : il nous a demandé comment les musulmans de Belgique ont vécu les épreuves douloureuses pour tout le monde des attentats de mars dernier à Bruxelles et Zaventem.« Achaibi veut s’efforcer maintenant de répandre ‘l’esprit d’Assise’ « dans nos communautés et nos mosquées ; la présence de ‘cheikh’ Taher Tugjani à Assise était dès lors très importante, car il pourra en témoigner maintenant personnellement auprès de imams dans notre pays. »
Silence médiatique
La délégation belge qui a rejoint la ville de Saint François pour ‘Soif de Paix’ était bien plus importante que les médias belges absents laissent imaginer. Mohamed Achaibi déplore fortement ce silence médiatique. « Quand il y a attentat ou conflit, les médias sont au premier rang pour diffuser les mauvaises nouvelles ; mais quand plus de cinq cent leaders religieux se retrouvent pour témoigner de leur volonté de paix, les journalistes – à une exception près – restent absents. » Mgr Johan Bonny, par contre, relativise cette absence : « Tant pis, l’Évangile ne nous demande-t-il pas de faire le bien en ne pas regardant en arrière ? »
« Trois éléments se sont rejoint à Assise« , explique l’évêque d’Anvers. « Il y a la spiritualité de Saint François et d’un pape qui veut en quelque sorte être le François de notre époque ; il y a le charisme de la ville d’Assise et le fait que nous nous retrouvions là où le Pape Jean Paul II a lancé ce mouvement il y trente ans ; et il y a le fait que les leaders religieux se retrouvaient pour la première fois après ces événements tragiques à Paris, à Bruxelles, à Nice, à Rouen et partout dans le monde. Mais malgré tout cela et malgré toutes nos différences, nous avons vécu ensemble des gestes et des moments prophétiques. »
Lumière dans le monde

(c) Sant’Egidio
Pourtant, le travail n’est pas encore accompli. Certains patriarcats orthodoxes étaient absents parce qu’ils participaient au dialogue entre catholiques et orthodoxes à Chieti, mais d’autres – comme par exemple le patriarcat de Moscou – pour bien d’autres raisons. Le métropolite Athénagoras le déplore. « Il vrai que nous avons besoin d’un dialogue inter-religieux, mais ne négligeons surtout pas l’œcuménisme ! Si nous méditons un peu le grand mystère de la communion des Saints d’Orient et d’Occident, tel par exemple Saint François d’Assise, nous comprenons que les murs de la séparation de nos églises ne montent pas jusqu’au ciel. »
« L’œcuménisme doit aider les chrétiens de différentes dénominations à coexister, réfléchir et prier ensemble« , dit Mgr. Athénagoras, « et à témoigner ensemble de la lumière du Christ dans le monde. » Mais évidemment, les tensions politiques et géopolitiques ont leurs influences sur le monde des religions. « Tout le monde sait que les chrétiens de Syrie soutiennent en général le régime de Bachar Al-Assad, car il respecte la diversité religieuse. Une rencontre à Assise entre musulmans et orthodoxes de Syrie aurait été propice, mais le patriarche orthodoxe Yohannes d’Antiochie – le frère de l’évêque enlevé Paul Yazigi d’Alep – n’était pas là non plus. »
Aux jeunes générations
La présidente de Sant’Egidio en Belgique et aux Pays-Bas, Hilde Kieboom – qui est aussi vice-présidente de la communauté mondiale de Sant’Egidio – est très contente de cette édition des rencontres ‘dans l’esprit d’Assise’. « C’était un grand moment, entre autres à cause du fait que c’était un jubilé de trente ans de rencontres pareilles, ainsi que par la magie du lieu, de cette merveilleuse ville d’Assise qui transpire la spiritualité de Saint François« , dit-elle. « Mais je crois surtout que cet événement a été révélateur du lien entre l’engagement pour les pauvres et l’engagement pour la paix. C’est évidemment une intuition que nous devons aussi au Pape François, qui l’annonce sans cesse et qui la vit personnellement. »
A la fin de la manifestation de clôture, l’Appel de Paix de cet édition des rencontres ‘dans l’esprit d’Assise’ a été transmis aux jeunes générations, qui, à leur tour, l’ont transmis aux responsables politiques. Ces derniers sont-ils suffisamment réceptifs à ce message de paix ? « On y travaille, ce qui n’est pas évident en ces temps de repli sur soi et d’indifférence« , dit Hilde Kieboom. « Mais que ces leaders religieuses apprennent à se connaitre et s’apprécier a ses effets : le Président de la République Centrafricaine a rappelé que ces grâce aux tissu d’amitié entre leaders religieux que la guerre civile dans son pays a été évitée. »
Benoit Lannoo