Une poignée de main historique s'est produite le 24 août au soir à la Havane (Cuba) pour finaliser les négociations de paix entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires colombiennes (Farc). "La guerre est finie" a déclaré le président Juan Manuel Santos le soir même à la télévision.
L'espoir de paix qui s'amplifiait ces dernières semaines en Colombie est devenu concret par l'accord obtenu le 24 août après 44 mois de négociations. Les discussions entre les négociateurs du gouvernement et ceux du FARC achoppaient notamment sur la difficulté d'obtenir un accord sur l'ensemble des points, même si certains accords partiels étaient déjà obtenus. La règle d'or était: "Rien ne sera décidé tant que tout ne sera pas décidé". Les discussions portaient essentiellement sur le développement rural, la réparation des victimes, les mécanismes de justice transitionnelle ou encore les conditions du cessez-le-feu bilatéral et de la démobilisation des guérilleros.
Les conflits violents ont commencé il y a 50 ans lorsque les guérillas ont demandé une répartition des terres plus juste. Les combattants luttaient en effet contre l'exclusion sociale et politique des plus pauvres, et le déplacement massif de ruraux qui a amplifié la concentration des terres agricoles et le développement de bidonvilles. Dans ce conflit permanent, les Forces armées révolutionnaires colombiennes, qui occupent l'extrême gauche de l'échiquier politique, se sont sinistrés par l'enlèvement de nombreux otages dont celui de l'ancienne candidate à la présidentielle, Ingrid Betencourt, pendant 6 ans.
220 000 morts et plus de 6 millions de paysans déplacés, c'est au minimum ce que le conflit armé a causé depuis les années 1960 en Colombie. Pour faire mémoire de ces trop nombreuses victimes, le gouvernement a lancé une campagne de plantation d'arbres intitulée "Forêt de paix". Ces arbres seront plantés dans tout le pays, grâce aussi au parrainage de citoyens du monde entier via le site internet de l'ONG Saving the Amazon (Sauver l'Amazonie). "Cette forêt de la paix va être gérée et contrôlée par les communautés indigènes, qui sont celles qui savent le mieux comment le faire", a précisé le président colombien.
Échéances politiques
Même si Juan Manuel Santos semble optimiste dans ses déclarations télévisuelles suite à l'accord du 24 août, le processus de paix n'est pas encore terminé. L'accord doit être officiellement signé par le président colombien et le chef des FARC. Les guérilleros se réuniront une 10ème fois en conférence nationale pour soumettre ce texte à un référendum interne. Mais, le suspens reste d'actualité jusqu'au 2 octobre. A cette date, les électeurs colombiens se rendront aux urnes pour plébisciter (ou non) l'accord mettant fin à 50 ans de guerre.
Sur les réseaux sociaux, les réactions se font déjà entendre, par exemple celle du dessinateur Vladdo: "Je ne croyais pas de mon vivant voir la chute du mur de Berlin ni la démobilisation des FARC". D'autres Colombiens s'opposent à ce processus de paix qui prévoit la réintégration des guérilleros démobilisés à la vie civile. Selon eux, ces anciens combattants mériteraient d'être jugés et mis en prison. L'autre processus prévoit la transformation des FARC en parti politique et de nombreuses mesures pour construire une société plus juste. Les opposants s'offusquent de ce "castro-chavisme" (du nom des deux dirigeants révolutionnaires d'Amérique latine) qui se profile à l'horizon. Le plébiscite de la paix au 2 octobre n'est donc pas acquis.
Anne-Françoise de Beaudrap (avec RFI et le Monde)