Royaume-Uni : Le référendum endeuillé


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Royaume-Uni : Le référendum endeuillé
Par Pierre Granier
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
5 min

Brexit

© Belgaimage

Ce jeudi 23 juin, les citoyens du Royaume Uni votent pour ou contre le maintien de leur pays dans l’Union européenne. Après une campagne électorale qui a pris un tour dramatique, il est impossible de prédire l’issue du référendum.

L’odieux assassinat de la députée travailliste Jo Cox, et l’hommage solennel qui lui a été rendu au Parlement, ont peut-être marqué un revirement dans l’issue du référendum concernant l’éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE). Avant ce drame, les partisans du Brexit (soit la sortie de l’Union européenne) étaient en tête des sondages. Depuis, l’incertitude est à son comble. De fait, le meurtre de l’une des étoiles montantes du parti Labour, par un sympathisant néo-nazi, a mis un terme à une campagne qui était devenue de plus en plus tendue ces dernières semaines, en s’égarant dans des discours de haine liés à l’immigration. On est bien loin de 1975, année lors de laquelle les sujets de Sa majesté se sont prononcés pour la première fois sur leur destin européen. Il s’agissait en fait de ratifier l’adhésion du Royaume-Uni à ce qui était encore la Communauté économique européenne (CEE) que le pays avait rejointe en 1973. Ce qui avait été fait par 67% de la population. A l’époque, même Mme Thatcher était pro-européenne…

Retrouver sa souveraineté

Mais depuis, le grand marché européen qui intéressait le Royaume-Uni est devenu une union politique à laquelle les Britanniques sont devenus de plus en plus réticents. Au point que le Premier ministre britannique, David Cameron, a tenté un véritable coup de poker politique, en décidant de la tenue d’un nouveau référendum sur la question. "Leave or remain?" Quitter l’Union européenne ou rester? Au fur et à mesure que la campagne électorale prenait de l’ampleur, les partisans du Brexit n’ont cessé de progresser. Pour les eurosceptiques britanniques, dont une bonne partie de la presse, ce vote est l’occasion de restaurer la souveraineté nationale. Ils vivent en effet très mal le fait que 70% des lois votées dans leur pays découlent de leur appartenance à l’UE dont ils dénoncent le déficit démocratique. Les patrons de petites et moyennes entreprises se plaignent en particulier des normes et régulations européennes qui entraveraient leur liberté d’entreprendre. De même pour la City face aux normes financières. La perspective de ne plus pouvoir profiter aussi avantageusement qu’aujourd’hui du premier marché mondial que représente l’Union européenne n’effraie pas plus que cela les partisans du Brexit. Au contraire, ceux-ci envisagent de manière radieuse l’avenir commercial de leur pays qui reprendrait sa place au sein de l’organisation mondiale du commerce, et signera ses propres partenariats avec des pays comme la Chine ou l’Inde, et renouerait ses relations privilégiées avec les membres du Commonwealth. Par ailleurs, la crise de la zone euro (dont le Royaume-Uni ne fait pas partie), le renflouement de la Grèce, ou bien encore l’incapacité des membres de la zone Schengen (dont ne font pas non plus partie les Britanniques) à se mettre d’accord sur l’accueil des migrants ont écorné encore un peu plus ces derniers temps l’image de l’Europe.

L’immigration au cœur du débat

Mais la raison principale du Brexit pour ses partisans est encore ailleurs: c’est l’immigration. La liberté de circulation au sein de l’UE a amené au Royaume- Uni de très nombreux travailleurs originaires des pays de l’Est, et en particulier de Pologne. Au point de nourrir un sentiment anti-polonais assez fort parmi les classes populaires britanniques. Or sortir de l’UE, c’est pouvoir à nouveau "contrôler" cette immigration. Et ces derniers temps, c’est ce thème de l’immigration qui a empoisonné les débats. Face à cela, les partisans du "remain" ont peiné à convaincre. "Nos dirigeants expliquent qu’une sortie de l’Europe entraînerait une hausse des impôts, que des entreprises quitteraient le pays pour d’autres de l’UE, que notre PIB reculerait, que les immigrés rapportent plus qu’ils ne coûtent… Mais ils n’arrivent pas vraiment à faire battre notre cœur pour l’Europe", explique Thomas qui, comme beaucoup de ses concitoyens, hésite sur son choix.

Les catholiques partagés

Et si l’incertitude du vote est aussi grande, c’est aussi parce que le débat "Brexit or not Brexit" traverse tous les courants politiques. Le clivage existe chez les conservateurs (l’ancien maire de Londres, pro-Brexit, en est le meilleur exemple) de même que chez les travaillistes. Même les catholiques (10% de la population) sont très partagés et ce n’est pas la conférence des évêques d’Angleterre et du Pays de Galles qui ont pu les aider à faire leur choix! Dans un communiqué publié en avril dernier, ceux-ci ont certes alerté sur l’importance du référendum et notamment son caractère "historique", expliquant que "le résultat aura des conséquences pour l’avenir, non seulement du Royaume-Uni mais également de l’Europe et du monde". Mais ils sont restés neutres, même si, entre les lignes, on peut deviner une inclination contre le Brexit. D’ailleurs, à titre individuel, le président de cette Conférence des évêques anglais et gallois, le cardinal Vincent Nichols, a averti que la séparation avec l’Europe "mènerait inévitablement à d’autres divisions", sous entendant sans doute celle du Royaume-Uni. On sait les Ecossais chauds partisans de l’Europe et on imagine qu’il serait particulièrement dommageable pour l’Irlande du Nord de voir la frontière réinstaurée avec l’Eire… Et la grande majorité des prélats sont plutôt dans le camp du "remain" bien qu’ils reconnaissent les "préoccupations légitimes" d’un grand nombre de Britanniques vis-à-vis des institutions européennes actuelles. Mais d’un autre côté, bon nombre de catholiques britanniques, y compris l’archevêque de Southwark (sud de Londres), réfutent le tableau noir dressé par les pro-européens en cas de Brexit, et estiment que l’Union européenne n’est pas une institution démocratique. Certains de ces catholiques expliquent même que leur foi jouera, pour une part, dans leur décision de voter pour le Brexit. Comme Charles Moore, journaliste et éditorialiste au Telegraph qui pense qu’euroscepticisme et catholicisme sont compatibles. La mort de Jo Cox, militante humanitaire et européenne, pourrait pourtant changer les points de vue.

Pierre GRANIER

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Catégorie : International

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