Le 6 mai dernier, le pape François s’est vu remettre le prix Charlemagne, un prix international décerné depuis 1948 pour des travaux réalisés en faveur de l’unification européenne. A cette occasion, le pape a fait part de son rêve d’un nouvel humanisme européen, dans le sillage de son discours prononcé au Parlement européen en novembre 2014.
Alors que la remise de ce prestigieux prix Charlemagne est habituellement organisée à Aix-la-Chapelle, c’est au Vatican que cette cérémonie a exceptionnellement eu lieu cette année. Et pour cause, c’est le pape François, qui goûte pourtant peu à ce genre de distinction, qui en était le récipiendaire. Il se serait laissé convaincre par le cardinal Kasper de l’accepter. Il a bien fait. Car à cette occasion, le discours du Souverain Pontife a de nouveau marqué les esprits. Dans la salle royale et devant les plus hauts responsables des principales institutions européennes venus lui remettre ce Prix (Martin Schulz, président du Parlement européen, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne et Donald Tusk, président du Conseil), ainsi que bien d’autres hauts responsables européens comme la chancelière allemande Angela Merkel, le chef du gouvernement italien Matteo Renzi et le roi d’Espagne Felipe, le pape François a déclaré rêver d’un « nouvel humanisme européen ».
Transfusion de la mémoire
Comme à Strasbourg en novembre 2014, le Souverain Pontife a brossé le tableau sans com-plaisance d’une Europe en déclin, fatiguée et stérile, où les grands idéaux qui l’ont inspiré semblent avoir perdu leur force attractive. « Que t’est-il arrivé, Europe humaniste, paladin des droits de l’homme, de la démocratie et de la liberté? », a-t-il lancé avec gravité.
Empruntant une formule de l’écrivain Elie Wiesel, qui a survécu aux camps d’extermination nazis, le pape François a préconisé une « transfusion de la mémoire » qui permette de s’inspirer du passé, de « prendre un peu de distance » pour ne pas refaire les mêmes erreurs du passé et affronter avec courage le complexe cadre multipolaire actuel. Il est urgent, selon le Saint-Père, d’accepter le défi d’ »actualiser » l’idée de l’Europe, dont ses Pères ont eu « l’audace de rêver ». « On ne peut se contenter de retouches cosmétiques ou de compromis bancals pour corriger quelques traités. Il faut poser courageusement de nouvelles bases », a indiqué l’évêque de Rome qui n’a pas insisté sur les racines chrétiennes de l’Europe mais au contraire a parlé de l’identité européenne comme étant, et ayant toujours été, « une identité dynamique et multi-culturelle ».
Intégrer jeunes et migrants
Il faut donc « promouvoir une intégration qui trouve dans la solidarité la manière de faire les choses et la manière de construire l’histoire ». Et aussi promouvoir une culture du dialogue, « comme forme de rencontre, sans exclusion ». Lorsqu’il fustige l’exclusion, le pape François pense bien sûr aux migrants, mais il pense aussi aux millions de jeunes Européens touchés par le chômage et le sous-emploi. « Ces jeunes, il faut les faire participer à ce rêve. » D’où l’urgence de rechercher de « nouveaux modèles éco-nomiques plus inclusifs et équitables ».
Pour conclure ce long discours marquant, le pape François a développé, à l’instar de ce qu’avait fait le pasteur Martin Luther King pour les Etats-Unis, son « rêve » pour une « Europe humaniste ». « Une Europe jeune, capable d’être encore mère, qui prend soin de l’enfant, qui secourt comme un frère le pauvre et celui qui arrive en recherche d’accueil parce qu’il n’a plus rien et demande un refuge. Une Europe qui écoute et valorise les personnes malades et âgées, pour qu’elles ne soient pas réduites à des objets de rejet improductifs. Une Europe où être migrant ne soit pas un délit, mais plutôt une invitation à un plus grand engagement dans la dignité de l’être humain tout entier. Une Europe des familles, avec des politiques vraiment effectives, centrées sur les visages plus que sur les chiffres, sur les naissances d’enfants plus que sur l’augmentation des biens. Une Europe qui promeut et défend les droits de chacun, sans oublier les devoirs envers tous. Une Europe dont on ne puisse pas dire que son engage-ment pour les droits humains a été sa dernière utopie. »
P.G. (avec Radio Vatican)