Qui est Mgr Jozef De Kesel, le nouveau primat de Belgique? Ce Gantois d’origine est convaincu que l’Eglise traverse une crise, mais il y voit une "grâce", l’occasion de relever un défi, et insiste sur l’importance d’annoncer l’Evangile.
Nommé archevêque de Malines-Bruxelles le 6 novembre 2015 pour succéder à Mgr Léonard, Mgr De Kesel tranche, par sa personnalité, avec son prédécesseur. Cet homme que l’on dit discret, voire timide, est en quelque sorte "une force tranquille". Son sens de l’écoute est reconnu par ses interlocuteurs. Une écoute réelle et attentive, non feinte. Il est aussi conscient des enjeux qui se posent à lui, notamment à la tête de l’archidiocèse, mais aussi à la présidence de la Conférence épiscopale de notre pays. Il attache une importance très forte à l’annonce de l’Evangile, surtout dans notre société sécularisée. L’attention aux plus faibles est un autre trait du caractère de Mgr De Kesel, notamment envers les réfugiés.
Comme évêque de Bruges, il s’est rendu en Irak, avec Mgr Guy Harpigny, évêque de Tournai, et Mgr Léon Lemmens, évêque auxiliaire du Brabant flamand et de Malines, pour percevoir la réalité de la détresse de ces chrétiens d’Orient, chassés de chez eux et persécutés. "J’ai rencontré des milliers de chrétiens, des yézidis et même des musulmans qui ont dû quitter leur pays à cause de Daech. J’ai visité des camps où dix-mille personnes vivent dans des containers", se rappelle-t-il, en précisant qu’il a aussi visité un centre s’occupant de réfugiés à Malines. Mgr De Kesel précise que l’Eglise ne peut pas tout faire. "Mais il faut conscientiser. Le pape François parle de la globalisation de l’indifférence. Il faut lutter contre cette globalisation parce qu’il y a un risque pour notre monde occidental: celui de se refermer sur lui-même!" L’archevêque souligne qu’il est du devoir de l’Eglise de conscientiser les populations et les dirigeants, a fortiori si elle veut annoncer l’Evangile. "L’Evangile ne se limite pas à une morale ou à un certain vivre ensemble; c’est quand même avant tout une inspiration très forte."
Quels sont pour vous les grands enjeux de l’Eglise?
Le plus grand défi devant lequel nous nous trouvons, c’est notre société sécularisée où la religion n’a plus la place centrale qu’elle occupait dans le passé. En Occident, pendant des siècles, la culture chrétienne et la culture religieuse était réelle et la religion n’était pas facultative. Aujourd’hui, je ne dis pas que la religion est absente, ou que le christianisme a disparu, mais notre environnement a changé. Avec l’arrivée de l’islam, conjuguée à la sécularisation de la société, d’autres traditions religieuses, sont présentes. Dans ce contexte, quelle est la place du christianisme et de l’Eglise? Quelle est sa mission? Le grand défi porte sur la transmission de la foi. Je ne dis pas que nos contemporains sont contre la foi ou le christianisme, mais ils se demandent si cela sert encore à quelque chose. A nous de répondre à cette question.
Pensez-vous que cette sécularisation qui invite l’Eglise à se repositionner est une chance?
Oui. Je suis convaincu que nous vivons une crise. Cela se voit. Mais, le mot "crise" n’est pas toujours négatif. C’est aussi un "kaïros", comme on le dit en grec, c’est-à-dire une grâce. La sécularisation, il faut simplement l’accepter de tout notre cœur. Elle appartient aux signes des temps. Et c’est une bonne chose pour le monde et aussi pour le christianisme. Il n’est pas bon qu’une religion ait un monopole dans la société. Il vaut mieux avoir de la diversité. Mais cela signifie q
e le christianisme doit se positionner. Il faut accepter la différence, c’est-à-dire le vivre ensemble mais dans le respect.
Comment redonner le goût de la foi aux générations à venir dans ce monde sécularisé?
Il y a deux choses que j’estime très importantes à l’heure actuelle. Primo, l’annonce de l’Evangile. Le pape François insiste beaucoup là-dessus. Evidemment, le christianisme est une doctrine très développée, mais je crois que notre message doit se concentrer sur le cœur de l’Evangile même; c’est-à-dire un Dieu qui n’est pas indifférent, un Dieu qui a le souci de l’Homme, un Dieu qui est à la recherche de l’Homme, un Dieu qui aime. En cette année de la Miséricorde, nous ne prions pas un Dieu qui serait tout le temps en train de juger l’homme mais un Dieu qui lui donne ses chances. La façon d’annoncer l’Evangile aujourd’hui est donc très importante. Secundo, je crois que l’Evangile ne s’annonce pas qu’avec des mots et des paroles mais a
ssi avec des actes. Quand le pape François a quitté pour la première fois le Vatican, il est allé à Lampedusa; il n’y a pas fait de grands discours mais, c’est un signe! Je viens de parler d’un Dieu qui n’est pas indifférent, qui a le souci de l’homme et nous appelle à être signe de ce Dieu. Aujourd’hui, si les mots nous manquent parfois, il est important d’avoir des gestes. Je tiens beaucoup à la théologie, à la liturgie, à l’importance de la catéchèse, mais l’Eglise n’est pas seulement catéchétique et liturgique. Elle doit aussi être une Eglise qui s’engage dans le monde. Une Eglise qui, quand il y a des défis dans le monde, comme la pauvreté, les réfugiés, etc., a pour quête de sens d’aspirer à un monde plus juste et plus fraternel. L’Eglise ne vit pas simplement sa foi dans la sacristie: les joies, les tristesses, les angoisses du monde et des hommes d’aujourd’hui, c’est aussi la joie, la tristesse, l’angoisse mais aussi l’espérance de l’Eglise.
Propos recueillis par Philippe COCHINAUX o.p.
(Extraits de l’émission "En quête de sens – Il était une Foi" diffusée sur La Une (RTBF). A revoir sur cathobel.be)