Au Yémen, la guerre qui oppose depuis un an une coalition militaire arabo-sunnite et les "Houthis" d'Ansar Allah a causé la mort de milliers de civils dont de très nombreux enfants.
L'éviction, en 2011, d’Ali Abdullah Saleh après 33 ans de présidence a plongé le Yémen dans une crise profonde, accentuée par la montée en puissance de rebelles chiites qui occupent la capitale Sanaa depuis l'été 2014. En mars 2015, le conflit a pris une autre dimension avec l'intervention d'une coalition de huit pays, menée par l'Arabie saoudite. Les frappes aériennes qui visent Ansar Allah - mouvement armé de confession zaydite du Nord du pays - ont provoqué le chaos dans le pays et entraîné le déplacement de 2,5 millions de personnes. Selon les Nations unies, plus de 3.000 civils ont été tués et des milliers d'autres blessés. 83% des Yéménites dépendent aujourd'hui de l'aide humanitaire.
Le 16 mars 2016, la coalition au Yémen a annoncé que l’opération "Restaurer l’espoir" arrivait à son terme. Un cessez-le-feu doit prendre effet le 10 avril avant d'entamer des pourparlers de paix, prévus le 18 avril au Koweït. La coalition affirme désormais travailler sur un projet à long terme pour la résolution de cette crise.
Les Etats-Unis ont du sang sur les mains
Le 15 mars, deux bombes de la coalition ont touché un marché populaire de Mastaba (nord-ouest), faisant "au moins 119 morts et 47 blessés", selon Meritxell Relano, adjoint du représentant au Yémen du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef). L'organisation Human Rights Watch (HRW) évoque au moins 97 civils tués par ces bombardements, dont 25 enfants. Ces frappes, ajoute l'organisation de défense des droits de l'homme, constituent des "crimes de guerre". L'organisation pointe la coalition et son allié, les Etats-Unis, qui a fourni les bombes. Human Rights Watch déclare, selon l'AFP, avoir mené une enquête sur place le 28 mars et avoir trouvé sur le marché des restes d'une bombe GBU-31 guidée par satellite, qui est composée d'une bombe de 907 kilos MK-84 fournie par Washington, couplée avec un kit de guidage par satellite JDAM, également de provenance américaine. HRW, dont le siège est à New York, affirme avoir croisé ses résultats avec ceux d'une équipe de journalistes de la chaîne britannique ITV, qui ont pris des photos et tourné une séquence vidéo de fragments d'une bombe MK-84 et du kit de guidage satellitaire. L’organisation, dont le siège est à New York, enjoint l'administration américaine "d'arrêter de vendre des armes à l'Arabie saoudite".
Des victimes innocentes
Depuis que la coalition militaire, en faveur du président Abd Rabbu Mansour Hadi et de son gouvernement, a lancé sa campagne contre le groupe armé Houthi et ses alliés fidèles à l'ancien président Ali Abdullah Saleh, les civils paient un lourd tribut dans ce conflit. "Des centaines de civils ont été tués lors des frappes aériennes alors qu'ils dormaient chez eux ou vaquaient à leurs occupations quotidiennes, ou sur les sites où ils s'étaient réfugiés pour échapper au conflit", dénonce Rasha Mohamed, chercheuse d'Amnesty International sur le Yémen. "Depuis un an, on ignore qui gagne cette guerre. L'Arabie saoudite et les partenaires de sa coalition affirment avoir regagné le contrôle de plus de 80% du pays, mais les Houthis contrôlent encore les places fortes que sont Sanaa, Ibb et Taizz. Des groupes armés comme Al Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) et l'Etat islamique (EI) gagnent du terrain et du soutien dans des régions du sud et du sud-est du pays, profitant du vide sécuritaire pour consolider leur pouvoir. Une chose est sûre: ce sont les civils yéménites qui paient le plus lourd tribut", analyse encore la chercheuse. Amnesty International et d'autres organisations ont présenté depuis un an des preuves accablantes qui indiquent que tous les belligérants au Yémen commettent des crimes de guerre. "Pourtant, observe Rasha Mohamed, certains Etats refusent de voir ce qui saute aux yeux. Inonder la région d'armes revient à mettre de l'huile sur le feu."
Deux enfants blessés ou tués chaque jour
Le bilan d’une année de guerre au Yémen est de 6 enfants tués ou mutilés tous les trois jours en moyenne. Pour eux, il est même dangereux et difficile de jouer et de dormir. Avec l’intensification de la guerre, le recrutement et le recours à des enfants dans le cadre des conflits armés continuent d'augmenter. L’an dernier, 848 enfants soldats ont été enrôlés par les forces rebelles, dont certains de 10 ans seulement. Outre les morts causées par l’impact direct de la guerre, les organisations humanitaires estiment qu’en 2015 environ 10.000 enfants de moins de 5 ans sont décédés suite à des maladies liées à la forte baisse des services sanitaires de base, tels que les vaccinations ou les traitements contre la diarrhée et la pneumonie, entre autres.
Faire cesser ces crimes
Dans une publication du 7 avril 2016, Amnesty International appelle à faire cesser ces crimes contre les civils: "Lors des pourparlers de paix prévus au Koweït le 18 avril, toutes les parties doivent accorder la priorité à trois points clés: protéger les intérêts à long terme des Yéménites, veiller à mettre fin aux horreurs de l'année écoulée et garantir que les responsables présumés aient à rendre des comptes." "Toutes ces vies civiles perdues du fait de violations des droits humains ne seront pas oubliées, même si le chapitre de la guerre se referme", conclut Rasha Mohamed.
Manu VAN LIER
Sources: Amnesty International, Fides, AFP. - Photos: Human Rights Watch