Ce mercredi 24 février, à 12h, des citoyens et des représentants d’ONG belges occuperont les bureaux du groupe SOCFIN, situés dans la commune bruxelloise d'Ixelles, munis de bêches et de râteaux. Leur objectif: mener une action symbolique pour dénoncer la politique d’expansion agressive pratiquée par SOCFIN aux quatre coins du globe. Des milliers de paysans, réunis au sein d’une alliance internationale, tentent de faire respecter leurs droits, sans succès à ce jour.
SOCFIN est un groupe agro-industriel belgo-luxembourgeois, spécialisé dans la culture de palmiers à huile et d'hévéa (pour la production de caoutchouc). SOCFIN est détenu à 39% par le groupe français Bolloré (premier actionnaire), et contrôlé par l’homme d’affaires belge Hubert Fabri. Boosté par la croissance de la demande mondiale d’huile de palme, SOCFIN connaît une forte expansion de ses plantations dans une dizaine de pays d'Afrique et d'Asie. Le groupe gère actuellement plus de 180.000 ha de plantations, ce qui équivaut à plus de 4.500 exploitations belges moyennes.
Or, cette expansion s’exerce au détriment des communautés locales. Leurs terres, utilisées pour l’agriculture familiale, sont généralement acquises par SOCFIN avec l’appui des autorités nationales ou locales, sans consultation adéquate ni consentement préalable des communautés concernées. Au final, des paysans se retrouvent sans leur principale source de subsistance, avec une compensation financière extrêmement faible, et n’ont souvent comme seule option que de travailler pour l’entreprise dans des conditions de travail déplorables. Ces situations dégénèrent souvent en conflits fonciers et sociaux, comme cela a été documenté dans plusieurs rapports d’ONG locales et internationales.
Des communautés locales réprimées
Un exemple parmi d'autres, consigné par des ONG belges: en 2011, en Sierra Leone, SOCFIN a signé un accord avec le gouvernement, à travers sa filiale locale Socfin Agricultural Company Ltd. (SAC), pour un contrat de location de 6.500 ha dans la chefferie de Malen. Dès le début, les communautés locales ont exprimé leur opposition au travers de l’organisation locale MALOA. Cela n’a pas empêché l’entreprise d’étendre ses plantations jusqu’à 12.000 ha. Des conflits réguliers ont été rapportés entre l’entreprise et les populations locales, et les oppositions ont été systématiquement réprimées. Ce 4 février, six représentants de MALOA ont été condamnés à cinq et six mois de prison ferme pour des charges de conspiration, d’incitation à commettre un délit et pour la destruction de 40 palmiers. Des accusations pour lesquelles les six représentants de MALOA ont plaidé non coupables. La FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme) s'inquiète pour la sécurité de ces six personnes.
Ces conflits et abus ont été dénoncés depuis 2013 par "l’Alliance internationale des riverains des plantations SOCFIN/Bolloré". A plusieurs reprises, l’Alliance a fait valoir les droits des communautés et a présenté ses revendications au groupe SOCFIN/Bolloré en vue d’une résolution pacifique des conflits, sans succès jusqu'à présent. Les représentants de la SOCFIN demeurent aux abonnés absents. Une situation qui a également été déplorée par le Point de Contact National de l’OCDE en Belgique.
Dans ce contexte, des citoyens belges et des ONG se joignent à l’Alliance internationale pour manifester leur solidarité avec les six condamnés et demander à SOCFIN de mettre fin aux accaparements de terres, en s’engageant dans un dialogue avec les représentants de l’Alliance en vue d’une résolution pacifique des conflits. Ils demanderont également aux autorités belges de prendre leurs responsabilités et d’exercer un contrôle sur les activités de SOCFIN à l’étranger.
L’entreprise SOCFIN n’est pas seulement mise en cause par les ONG de droits humains et de solidarité internationale, elle l’est aussi par Greenpeace qui sort ce même jour une communication sur les pratiques de déforestation de l’entreprise (cf. www.greenpeace.be et www.pfsa.be).
Bref, des pratiques bien éloignées de la conversion écologique prônée par le pape François, liant justice sociale, droits des populations locales à la sécurité alimentaire, développement durable et préservation de l'écosystème mondial...
Infos pratiques sur l’action
L'action se déroulera ce mercredi 24 février à 12h15 devant le siège de SOCFIN, place du champ de mars, 2, 1050 Ixelles (métro porte de Namur). Une action symbolique sera menée au cours de laquelle des paysans "privatiseront les terres de SOCFIN" pour les cultiver, comme cela a déjà été réalisé par les membres de l’Alliance des riverains.
Parmi les signataires de cette action, on trouve, en premier lieu le CNCD-11.11.11, mais également SOS Faim, Entraide & Fraternité, Quinoa ou Oxfam-Solidarité.