En Belgique, comme dans d'autres pays européens, les autorités politiques développent des trésors d'ingéniosité pour empêcher de nouveaux candidats à l'asile de parvenir sur notre territoire, ou pour refouler certains migrants vers leur pays d'origine. Si aucune obligation internationale n'impose à un pays d'accueillir des migrants dit "économiques", il en va autrement des demandeurs d'asile à proprement parler. Que penser des retours "volontaires" de ces derniers jours?
Notre pays, jusqu'à preuve du contraire, n'agit pas en contravention de la convention de Genève, qui oblige les Etats à offrir l'asile aux personnes qui sont en danger dans leur pays, et qui l'ont formellement demandé. En pratique, une condition pour cela: que le demandeur soit présent sur le territoire du pays. Autre précision: le demandeur d'asile ne doit pas forcément venir d'un pays en conflit; le droit international prévoit que toute personne en danger de mort dans son pays, en raison de son ethnie, de ses convictions politiques ou religieuses, ou même de son orientation sexuelle.
Vouloir faire repartir, de gré ou de force, des personnes qui ont été déboutées de leur demande, n'est certes pas illégal, en espérant que les personnes concernées ne courent effectivement pas de risque majeur pour leur vie dans leur pays d'origine. Ce n'est pas toujours si clair... Et à côté de cela, il y a évidemment des fraudeurs, voire la possibilité que des personnes dangereuses se soient infiltrées dans notre pays... Vouloir éviter, à tout prix, que des personnes arrivent sur notre territoire pour y demander l'asile, n'est pas illégal non plus, mais peut se révéler contestable d'un point de vue... humain tout simplement.
On notera ainsi la prise de position du président du parti socialiste flamand SP.A, John Crombez, le weekend dernier. Il s'est en effet prononcé en faveur du plan de contrôle de l’accueil des réfugiés en Europe, tel que proposé la semaine dernière par Diederik Samsom, président du parti travailliste néerlandais PVDA.
Le plan Samsom propose de renvoyer le plus rapidement possible tous les migrants partis de la Turquie pour entrer en Europe via une île grecque. Une proposition que l’homme politique néerlandais juge faisable, la Turquie étant en bonne voie pour obtenir le statut de "pays sûr". En échange, la proposition stipule que l’Europe pourra accueillir chaque année et légalement entre 150.000 et 250.000 migrants réfugiés en Turquie.
"Je suis ravi qu’il y ait finalement un plan qui puisse contrôler l’afflux de migrants. Je soutiens ce plan", a déclaré John Crombez. Cette déclaration faite sur le plateau de l’émission "De zevende dag" (VRT) en a surpris plus d’un. Le parti socialiste flamand s’était jusque-là toujours montré réticent à des politiques de retour forcé des migrants.
Cette prise de position divise d’ailleurs le parti. L’une des grandes figures du SP.A, Louis Tobback, a ainsi déclaré que le plan Samsom est "en totale contradiction avec les idées des institutions européennes". L’ancienne ministre fédérale, Monica De Coninck, a quant à elle précisé que la Turquie n’était pas encore un pays sûr et qu’il fallait éviter toute politique de refoulement vers cette destination. John Crombez a par contre reçu le soutien de Johan Vande Lanotte, ancien ministre fédéral et bourgmestre SP.A d'Ostende, pour qui il est important de "gérer la problématique des réfugiés".
Campagnes de dissuasions et retours "volontaires"
A l’exemple de ce nouveau plan proposé par Diederik Samsom, les pays européens adoptent des mesures de plus en plus strictes dans l’espoir de limiter l’arrivée de réfugiés sur leur territoire: des contrôles renforcés aux frontières pour la Norvège, des bijoux confisqués pour financer les séjours au Danemark, un délai limité pour le regroupement familial en Suède, etc. Ces derniers temps, on observe certaines mesures cyniques, inhumaines...
La Belgique développe également des mesures restrictives. Depuis plusieurs semaines maintenant, le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Theo Francken (N-VA), ne manque pas d’imagination pour dissuader les futurs migrants de prendre la route vers la Belgique. Des campagnes de dissuasion ont ainsi été lancées sur Facebook afin de dissuader les jeunes Afghans et Irakiens de partir.
A peine inscrits à l’Office des étrangers, les migrants sont informés des possibilités mises à leur disposition pour retourner de manière sûre vers leur pays d’origine. Ces voyages, organisés par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et Fedasil, promettent aux migrants une prise en charge qui vise à les réintégrer dans leur pays d’origine.
Ces "retours volontaires" semblent avoir de plus en plus de succès depuis le mois de septembre. Lundi matin, une centaine d’Irakiens ont ainsi fait le choix de retourner vers Bagdad. Pour la première fois, un avion complet a été affrété pour ces rapatriements. Parmi eux, des demandeurs d’asile déboutés mais également des migrants en cours de procédure, "déçus par l’accueil" annonce Katrien Jansseune, porte-parole du secrétaire d’Etat à l’Asile. Quant au Secrétaire d'Etat, il ne cachait pas sa satisfaction...
Certes, on ne peut pas accueillir tous les réfugiés en Belgique. Nous sommes cependant encore loin du taux de "saturation" observé en Jordanie: quelque 630.000 réfugiés syriens, dans un pays moins développé que le nôtre. Certes, un certain nombre de demandeurs d'asile sont, en réalité, des migrants économiques. Mais déclarer, comme le font certains avec beaucoup de conviction, et une bonne conscience affichée, que les 110 personnes qui sont rentrées volontairement en Irak ce lundi ne courent aucun danger dans leur pays ("la preuve, ils sont rentrés volontairement"), semble quelque peu léger...
Avec la libre.be