Mercredi, un attentat à la voiture piégée a frappé la capitale turque Ankara, faisant au moins 28 morts et 61 blessés. Qui en sont les commanditaires : Daech ou le PKK?
Il était 18 h 31, ce mercredi 17 février. C’est l’heure de pointe, comme dans de nombreuses capitales. Une énorme déflagration a retenti dans le quartier central de Kizilay, à 300 mètres du quartier général des forces armées et à 500 mètres du Parlement turc. L’explosion s’est produite au passage de deux autobus transportant des militaires et des civils, qui rentraient chez eux après leur journée de travail. Cet attentat intervient après deux autres agressions meurtrières perpétrées déjà dans la capitale turque et à Istanbul. La plus meurtrière a eu lieu le 10 octobre et avait tué 103 personnes devant la gare centrale d’Ankara. Le 16 janvier, un autre attentat suicide, également attribué à l’EI par le gouvernement turc, avait visé un groupe de voyageurs allemands dans le quartier touristique d’Istanbul, tuant 11 d’entre eux. Depuis plusieurs mois, le pays est secoué par la violence djihadiste et la reprise du conflit kurde.
On le sait, la position du gouvernement turc est pour le moins ambiguë. Alors que le pays est engagé officiellement dans la lutte contre Daech en Syrie, dont il est censé bombarder les positions, il en profite pour pilonner aussi les positions des Kurdes engagés dans la lutte contre l’Etat Islamique et soutenus par les Américains. Il y a quelques jours, Washington a intimé l’ordre à Ankara de cesser ces pilonnages.
Dans le même temps, le ton est sérieusement monté entre les Turcs et les Russes, dont les relations se sont détériorées depuis que l’aviation turque a abattu un avion de chasse russe. Par ailleurs, la Grèce s’est plainte de ce que son espace aérien a été violé à plusieurs reprises par les chasseurs turcs, qui ont survolé les îles grecques où affluent les migrants et les réfugiés.
Tensions multiples
Rappelons que la reprise des affrontements avec les Kurdes, après plus de deux ans de cessez-le-feu, a fait voler en éclats les pourparlers de paix engagés à l’automne 2012 pour tenter de mettre un terme au conflit kurde, qui a fait plus de 40.000 morts depuis 1984.
Mercredi, « sous la supervision des autorités turques », au moins 500 rebelles syriens ont traversé la frontière turque pour se rendre à Azaz dans la province d’Alep, au nord de la Syrie, afin de « prêter main forte aux insurgés face à la progression des forces kurdes », a indiqué à l’AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme.
Si ce nouvel attentat n’a pas été revendiqué, les autorités turques ont déjà désigné les potentiels coupables… Daech et les Kurdes! Dans une déclaration à la presse, ce jeudi matin, le premier ministre turc Ahmet Davutoglu a affirmé que l’auteur de l’attentat était un Syrien de 23 ans infiltré en Turquie, qui a pu être identifié grâce à ses empreintes digitales, avant de poursuivre : « Cette attaque terroriste a été commise par des éléments de l’organisation terroriste PKK en Turquie et un milicien des YPG. » Les YPG, bras armé du PYD, branche syrienne du PKK, sont depuis samedi, la cible de l’artillerie turque qui bombarde à un rythme quotidien leurs positions.
Le PKK a cependant démenti, par la voix d’un de ses dirigeants, Cemil Bayik, être à l’origine de l’attentat. « Nous ne savons pas qui l’a commis mais cela peut être une riposte aux massacres de la Turquie au Kurdistan », a déclaré, non sans ambiguïtés, le responsable du PKK, cité par l’agence prokurde Firat. Dans le même temps, le PYD, par la voix de son responsable Saleh Muslim, déclarait à l’AFP : « Nous démentons toute implication dans cette attaque (…) et ces accusations sont clairement liées à la tentative d’intervenir en Syrie ».
A la suite de cet attentat, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a immédiatement annulé la visite qu’il devait effectuer à Bruxelles pour évoquer la crise des migrants avec les responsables de l’Union européenne (UE) réunis pour un sommet consacré aussi au « Brexit ». Quant au président Erdogan, il a renoncé à une visite prévue jeudi en Azerbaïdjan.
J.J.D (avec agences)