L’assemblée plénière de printemps des 27 évêques membres de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne (COMECE) se tiendra à Bruxelles, du 2 au 4 mars prochain, sur le thème de la vocation de l’Europe à promouvoir la paix dans le monde. Mais l’assemblée risque d’être un peu tendue, après les récents « incidents » avec les conférences épiscopales hongroise et polonaise.
« Promouvoir la Paix dans le monde, vocation de l’Europe ». C’est au tour de ce thème que débattront les évêques délégués des 27 pays membres de l’Union européenne (UE) lors de leur réunion plénière de printemps. Pour mieux appréhender la réalité de la situation, les évêques de la COMECE seront informés par des experts de la situation géopolitique aux frontières orientales et méridionales de l’UE et des nouveaux enjeux sécuritaires. Ils entendront également une réflexion théologique et éthique sur la valeur de la paix, par le Père Seán Healy, membre du Conseil d’administration de Social Justice Ireland.
Par ailleurs, Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a été invitée à venir s’adresser aux évêques de la COMECE sur le thème de l’émergence d’une nouvelle stratégie globale de sécurité et de défense pour l’Union Européenne. Les évêques examineront par ailleurs un projet de rapport sur la vocation de l’Europe à promouvoir la paix dans le monde, préparé par la Commission jointe COMECE/Justice & Paix Europe sur les relations extérieures de l’Union européenne. Concernant la crise des réfugiés, Mgr Ägidius Zsifkovics présentera les conclusions des récentes initiatives de la COMECE sur ce sujet.
Mais, les récentes initiatives des conférences épiscopales polonaise et hongroise risquent bien aussi de crisper le débat. En effet, en moins de deux semaines, les évêques de Pologne et de Hongrie ont fait pression sur la COMECE pour qu’elle retire des articles publiés sur le site Europe-infos, et critiquant les politiques de Varsovie et de Budapest. Or, on sait que les gouvernements de ces deux pays sont à la pointe du combat pour empêcher les réfugiés de venir en Europe. Tous deux ont fermé leurs frontières et érigé des murs de barbelés.
Pressions polonaises et hongroises
EuropeInfos est un média lié à la COMECE et au Centre jésuite social européen. Il avait publié au début du mois, un article, intitulé « Que se passe-t-il en Pologne? », rédigé par Henryk Wozniakowski, président de la maison d’éditions catholique Znak et membre du Conseil des fondateurs de la Fondation polonaise Robert Schuman. Il exprimait son inquiétude pour la politique du parti Droit et justice (PiS), arrivé au pouvoir en octobre dernier. Il les accusait notamment de chercher à centraliser le pouvoir en écartant des garde-fous constitutionnels et de vouloir contrôler les médias publics. A la suite d’une lettre adressée au père Daly, secrétaire général de la COMECE et signée par Mgr Arthur Miziński, Secrétaire général de la Conférence de l’épiscopat polonais, le site EuropeInfos a finalement retiré de son site l’article incriminé. Le site s’était pourtant refusé à le faire dans un premier temps, malgré une requête officielle de la conférence des évêques polonais le 5 février.
La conférence des évêques polonais accusait l’article d’émettre une « opinion subjective » sur la situation politique polonaise. Elle voyait sa publication dans EuropeInfos comme une « ingérence dans les affaires intérieures de la Pologne ». Mgr Arthur Miziński regrettait dans sa lettre que l’auteur de l’article n’avait pas pris contact pour connaître la position de l’Eglise locale et invitait la COMECE a faire preuve à l’avenir de « davantage de prudence ». Pour se justifier, EuropeInfos a fait valoir qu’il avait vocation à « fournir une analyse sans complaisance des décisions prises par les institutions de l’UE et de formuler des critiques lorsque nécessaire. » Il ajoutait « regretter » que certains lecteurs « aient pu se sentir offensés par les opinions développées dans ces articles ».
Une semaine plus tard, un incident similaire s’est produit avec la conférence des évêques hongrois. EuropeInfos s’est vu forcer de retirer un article critiquant cette fois… le premier ministre hongrois Viktor Orban. Intitulé « A propos de l’idéologie de la Nouvelle Droite en Hongrie », Hans Schelkshorn, professeur de philosophie à la faculté de théologie catholique de l’Université de Vienne, qualifiait la « néo-droite » européenne, de « post-fascisme »; mouvement dont l’universitaire estimait que Viktor Orban en était devenu le chef de file. L’article faisait partie d’une série de textes consacrés à « la compréhension de valeurs européennes fondamentales et leur signification pour la politique intérieure de divers Etats membres ».
Selon le quotidien français La Croix, l’épiscopat hongrois aurait exercé de très fortes pressions « explicites et directes » pour que cet article soit retiré.
Selon certains observateurs, ces deux incidents seraient une manière, pour certains évêques des deux pays, de remettre en cause le rôle de la COMECE. A voir… En tous cas, ces incidents sont intervenus au moment où la COMECE rassemblait des responsables catholiques pour discuter de la crise des réfugiés qui frappe l’Europe.
Il est donc plus que probable que ces deux incidents soient évoqués et débattus. Car, cette situation risque de faire apparaître une cassure, à l’instar de ce qui se produit entre les états membres de l’UE. Et il serait dommage qu’entre les évêques européens, il y ait deux visions de l’Europe!
J.J.D.