“Refus d’euthanasie” : une maison de retraite poursuivie


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“Refus d’euthanasie” : une maison de retraite poursuivie
Par Christophe Herinckx
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
4 min

euthanasie 2D'après le journal "De Morgen", la maison de retraite Sint-Augustinus à Diest, d'obédience catholique, aurait refusé l'accès au médecin d'une patiente, venu pratiquer une euthanasie. La maison de retraite sera poursuivie en justice, pour contravention à la loi dépénalisant l'euthanasie.

C'est une situation bien délicate et douloureuse qui concerne aujourd'hui cette maison de repos située en région flamande. Situation qu'il convient de traiter, et d'apprécier, avec toute la précision et toutes les nuances requises, à partir des éléments dont disposent aujourd'hui les médias.

D'abord, le fait qu'une maison de retraite est aujourd'hui poursuivie devant la justice, pour avoir empêché l’accès à un médecin venu pratiquer un geste d’euthanasie sur une patiente en phase terminale d'un cancer, n'a rien à voir avec les propos récents de Mgr De Kesel, invoquant le droit de certaines institutions catholiques de ne pas pratiquer des euthanasies. En l'occurrence, la maison de retraite incriminée aurait refusé l'accès au médecin de la patiente, l'empêchant ainsi de pratiquer un geste qui, a priori, entre dans le cadre de la loi belge dépénalisant l'euthanasie. L'institution avait-elle le droit de refuser qu'un médecin pratique une euthanasie dans son établissement? Question difficile, par rapport à laquelle l'invocation d'une clause de conscience ne va pas de soi.

Une autre question juridique se pose: une institution catholique, employant des médecins, peut-elle interdire à l'un de ceux-ci de pratiquer un acte autorisé par la loi? En d'autres termes, une institution peut-elle, en tant que telle, invoquer une clause de conscience, qui s'appliquerait dès lors à tous ses employés, médecins en l'occurrence? Pour les partisans du droit de mourir dans la dignité, la loi reconnaît une faculté d’objection de conscience, mais seulement aux individus. Une institution ne pourrait donc collectivement s’y opposer.

Par contre, en vertu de cette même objection de conscience, aucun médecin ne doit pouvoir être contraint à pratiquer une euthanasie, ou un autre acte qu'il juge éthiquement inacceptable. Cela aussi doit être précisé, et les partisans du droit de mourir dans la dignité le reconnaissent, conformément à ce que prévoit la législation.

Une "aggravation des souffrances physiques et psychiques"

Or, c’est bien pour une telle "obstruction" qu’une maison de retraite est aujourd’hui poursuivie par la famille d’une malade, pour avoir "aggravé ses souffrances physiques et psychiques", obligeant ainsi à un transfert de la personne, en ambulance, pour que l'euthanasie puisse être pratiquée ailleurs.

La famille a depuis lors attaqué l’établissement, et l'’affaire sera portée devant le tribunal civil de Louvain en avril 2016. Selon les avocats de la famille, seuls les médecins ont le droit d’invoquer leur conscience pour ne pas pratiquer l’euthanasie, mais ce n’est pas le cas des institutions de soins.

"Cette décision pourrait faire jurisprudence dans d’autres cas similaires. Généralement, le patient d’abord, sa famille ensuite renoncent à toute démarche judiciaire, car ils sont épuisés par le deuil et cette opposition incompréhensible à l’application de la loi", explique Jacqueline Herremans, présidente de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité et membre de la commission de contrôle de la loi dépénalisant partiellement l’euthanasie.

"Depuis 2011, un arrêté royal souligne d’ailleurs plus explicitement que les maisons de repos et de soins doivent respecter la loi sur les droits du patient et celle sur l’euthanasie pour bénéficier de subsides publics. Une institution en tant que telle ne peut s’approprier cette clause de conscience", poursuit Madame Herremans. "Bien entendu", ajoute-t-elle, "tout doit être fait pour ne pas heurter les membres du personnel qui ne partagent pas la volonté ou la vision du monde de la personne qui souhaite une mort choisie en bénéficiant d’une euthanasie. Mais, simultanément, imagine-t-on la souffrance de personnes âgées et près de la mort, qu’on oblige à rentrer dans un domicile qu’ils ont quitté parfois depuis des années ou qui n’existe plus, pour bénéficier de ce geste? C’est une stigmatisation inutile et cruelle. La pire des choses serait de forcer le médecin et la famille à pratiquer en clandestinité, alors que la loi est justement là pour sortir du secret et permettre une vraie dignité, en présence de la famille et des amis."

Si on laisse à chacun le soin d'apprécier le caractère éthique ou non de l'euthanasie, et celle de la "vraie dignité" de la personne en fin de vie - pour les chrétiens, cela "doit" se faire en lien à l'évangile, mais également dans le contexte de l'enseignement de l'Eglise -, l'on peut se demander si le fait d'empêcher une euthanasie par tous les moyens est, pour les opposants à cette loi, la meilleure solution. Par contre, lorsqu'un geste d'euthanasie est pratiqué en dehors du cadre de la législation la dépénalisant partiellement, ce geste doit être dénoncé au moyen de tous les recours légaux.

D'après "De Morgen" et "Le Soir".

Catégorie : Belgique

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