Le premier tour des élections régionales outre-Quiévrain, dimanche 6 décembre, a vu deux gagnants: le Front national de Marine Le Pen et… les abstentionnistes. Certains évêques de France analysent ces résultats.
Comment expliquer le succès du FN, devenu en quelque sorte le premier parti de France? Comment l’Eglise réagit-elle, alors qu’un sondage réalisé par Ifop pour le magazine Pèlerin, le 7 décembre, montrent que les catholiques pratiquants sont de plus en plus tentés par l’extrême droite? D’une manière générale, les évêques parlent de « détresse populaire », avec pour conséquence un vote épidermique ou contestataire, qui ne correspond pas toujours à une adhésion aux thèses du FN.
Dans les départements où le parti de Marine Le Pen arrive largement en tête, les évêques expliquent ce succès par un sentiment d’abandon toujours plus grand des citoyens, dont les préoccupations sont ignorées par les grands partis. Ainsi, dans le département de l’Oise, où le Front National a totalisé 42% des voix au premier tour, l’évêque de Beauvais observe la tentation de « comportements à risque » nés d’un sentiment des citoyens de ne pas être entendus. « Dans mes contacts, je constate une attitude de contestation d’un establishment », rapporte Mgr Jacques Benoît-Gonnin, qui déplore que « la classe politique n’ait pas su préparer les populations à l’inéluctabilité des changements, notamment sociétaux ». Et il ajoute: « Je constate une inquiétude chez nos concitoyens quant à l’évolution de la société, qui n’est toutefois pas liée forcément à la présence croissante des migrants. » L’évêque regrette que « certains courants, par nature ou par parti pris, ont imposé des visions sur lesquelles les gens n’ont pas assez de recul. Une partie de leurs décisions n’ont pas été assez travaillées. » En témoignent à ses yeux, « les programmes électoraux, trop globaux, pas suffisamment connectés aux problèmes de la région. »
Sentiment d’abandon
De son côté, l’évêque de Metz, Mgr Jean-Christophe Lagleize, parle de « sentiment d’abandon et de non-respect se nourrit des blessures liées aux fermetures des charbonnages et à la fin des fleurons sidérurgiques, d’un ancien modèle industriel. Les gens savent qu’ils ne retrouveront plus de travail. » Rappelons que le FN a récolté près de 29% des voix en Moselle et plus largement en Lorraine.
Une des conséquences de ce pessimisme est une abstention record. Au Havre, le taux de participation a dépassé à peine 37%. Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre et président du Conseil famille et société de la Conférence des évêques de France (CEF) a vivement encouragé l’électorat « à se mobiliser pour exercer pleinement (son) devoir de citoyen » lors du second tour. « En nous abstenant de voter, nous désertons, de fait, le chantier de notre avenir commun, prévient l’évêque qui encourage donc les électeurs de son diocèse mais aussi ceux de Normandie à ne pas laisser « parasiter les enjeux des régionales par des promesses électorales ou des discours idéologiques qui ne concernent pas les compétences de la région. »
De même, Mgr Lagleize, évêque de Metz, rappelle que, combinée à un refus persistant de prendre en compte les votes blancs et nuls, l’abstention « fragilise la démocratie ». Il estime que cet affaiblissement « est aussi grave que la montée du Front National ».
J.J.D.
© Photo: Consulat de France à San Francisco