Les indépendantistes ont remporté une victoire en Catalogne


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Les indépendantistes ont remporté une victoire en Catalogne
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
4 min

la maire de Roses_003Après les élections du 27 septembre, le Parlement catalan sera majoritairement séparatiste. Mais le chemin vers l’indépendance reste semé d’embûches et la région est désormais scindée en deux.

«Mon père a vécu la période qui a suivi la guerre civile. Il en a gardé une peur des oppositions violentes. Mon fils ne peut pas comprendre cette peur. Moi je suis entre les deux: j’ai conscience d’un risque, mais je ne suis plus terrorisée», raconte la maire de la station balnéaire de Roses en Catalogne. Membre du parti nationaliste de centre droit Convergènca Democràtica de Catalunya qui dirige actuellement le Parlement catalan, Montserrat Mindan (photo) est une de ces militantes sans concessions de l’indépendance catalane. «Nous sommes un peuple avec une culture, un territoire, une langue, une organisation politique», poursuit calmement la maire, «aujourd’hui nous voulons l’indépendance parce que nous ne supportons plus l’arrogance du pouvoir à Madrid qui nie l’expression de notre volonté.»

Comme plusieurs millions de Catalans, Montserrat Mindan a voté ce dimanche 27 septembre à l’occasion d’élections régionales catalanes qui se sont transformées en vote pour ou contre l’indépendance de la Catalogne. Après des années de militantisme, sa persévérance a été récompensée en ce dimanche qualifié d’historique: les partis indépendantistes qui s’étaient ralliés autour d’une seule liste pour le Oui, «Junts pel Si» ont obtenu la majorité des sièges au Parlement catalan. Avec 72 sièges sur 135 auxquels se rajouteront les 10 sièges gagnés par la liste indépendantiste d’extrême gauche, ils auront même la majorité absolue. Dimanche soir, le leader indépendantiste, Artur Mas proclamait: «Nous avons un mandat démocratique. Nous n’allons pas faiblir, nous continuerons à aller de l’avant.» Cet homme de 59 ans, qui s’était lentement converti, au fil des refus de Madrid, au séparatisme, avait promis avant les élections, qu’en cas de majorité de parlementaires indépendantistes, il demanderait une ultime fois à Madrid, la tenue d’un référendum, et en cas d’ultime refus, il s’orienterait vers une proclamation unilatérale d’indépendance, en mettant en place une nouvelle Constitution et le transfert de souveraineté des institutions espagnoles vers des institutions catalanes: justice, finances, ambassades….

Une Catalogne plus divisée que jamais

La participation exceptionnelle a atteint 77%, dépassant de 10 points celle du dernier scrutin régional en 2012, un record pour ce genre d'élections dans la région. Artur Mas s’est donc targué d’être parvenu à transformer ce vote en plébiscite. Mais la victoire des indépendantistes n’est pas complète: s’ils obtiennent la majorité absolue des sièges, ils n’ont recueilli que 47,5% des voix. L’échec d’une majorité en termes de voix pose un problème fondamental de légitimité au leader indépendantiste que Madrid n’hésite pas à utiliser afin de faire taire la volonté des électeurs indépendantistes. Le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy au pouvoir à Madrid a déclaré au soir des élections régionales en Catalogne que les habitants de la région avaient «rejeté l’indépendance». Si la liste Ciudadanos qui militait en Catalogne pour l’unité de l’Espagne a remporté quelque 36 sièges au Parlement et que les autres listes opposées à l’indépendance ne conduisent toutes ensemble qu’à une minorité de sièges, les chiffres en termes de voix sont clairs: 1.940.000 voix se sont prononcées pour l’indépendance et 2.034.000 contre. «On peut arguer que c’est à cause du refus de Madrid que nous avons dû nous contenter d’une élection régionale à la place d’un référendum, que Madrid a tenté d’agiter la peur en cas d’indépendance», explique un militant indépendantiste de la première heure, «mais il est difficile de concevoir le délicat processus d’une séparation d’un Etat, sans la légitimité en termes de voix. Il faut rester démocratique, même si les opposants à notre désir d’indépendance, ne le sont pas.»

Après le vote de ce dimanche historique, une chose est certaine: le gouvernement central doit accepter une négociation politique et la redéfinition du statut catalan devra être la priorité du gouvernement qui dirigera l'Espagne après les élections législatives de décembre. Autre certitude: la Catalogne sera plus divisée que jamais. D’un côté, les indépendantistes qui ont eux-mêmes des dissensions internes fortes car ils regroupent des formations politiques qui vont de la droite à l’extrême gauche et, de l’autre côté, les unionistes qui regroupent les partis traditionnels espagnols, mais également des listes locales qui rassemblent les Catalans résolument opposés à l’indépendance. Une scission qui n’épargne plus aucun milieu et traverse même l’église catalane. «J’ai voté oui, parce que j’aime mon pays, ma langue, ma culture, parce que nous voulons le respect de notre travail et de notre liberté», explique Ramon Alventosa, le curé de la paroisse Vile de Santa Coloma près de Girone, tandis qu’Eduard Ribot, le curé de Vile de Arbucies à quelques encablures de l’autre se déclare ouvertement et fermement opposé à l’indépendance. Devant cette scission qui ne cesse de s’approfondir, la Catalogne risque de s’enfoncer dans une période de turbulences dont Madrid pourrait à nouveau tirer profit. «Nous espérons que l’Europe jouera l’arbitre et obligera chacun à céder du terrain», espère un militant catalan, «car c’est toute l’Europe économique et démocratique qui bénéficiera d’une résolution pacifique et respectueuse de cette crise.»

Laurence D’Hondt

Lire le reportage complet dans Dimanche n°34 du 4 octobre 2015

Catégorie : International

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