Ce jeudi 2 juillet, le juge français Marc Trévidic, chargé de l'enquête sur l'assassinat des 7 moines de Tibhirine, fera le point sur les blocages et les avancées de l'enquête avec les familles des victimes. Il présentera notamment les résultats des expertises menées à l'automne 2014 sur le territoire algérien.
Revenons une vingtaine d'années en arrière. Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, les sept moines trappistes du monastère de Tibhirine situé à une centaine de kilomètres au sud d’Alger étaient enlevés. Seules leurs têtes avaient été retrouvées le 30 mai, sans la moindre trace des corps. A l'époque, le GIA (Groupe Islamique Armé) avait revendiqué l’enlèvement et l’assassinat des religieux. Le juge français Marc Trévidic, chargé de l’affaire, avait suivi la thèse islamiste jusqu’en 2009. Après le témoignage du général Buchwalter, attaché de Défense à l’ambassade de France, le juge avait réorienté l’enquête vers une possible bavure de l’armée algérienne. Près de 20 années après les crimes, aucune réponse claire n'a pu être apportée.
Dans le cadre de son enquête, le juge antiterroriste français avait enfin obtenu un visa en novembre 2013 pour se rendre en Algérie où il a préparé pendant trois jours ses futures visites sur le sol algérien. En 2014, des expertises ont pu être menées sur place sous la direction du juge Trévidic, accompagné de la juge Nathalie Poux et d'experts français. Ils avaient notamment procédé à des prélèvements sur les sept têtes exhumées. Pour les familles des victimes, cette avancée traduisait un nouvel élan d'espérance. Dans le journal La Croix, l'avocat des familles, Me Patrick Baudouin, a en effet rappelé qu'"aucune autopsie n’avait été faite" jusqu'à cette date.
Un aveu de responsabilité?
Mais c'était sans compter sur les autorités algériennes qui ont soudainement refusé aux deux juges d'instruction de ramener en France les prélèvements. Ces derniers allaient pourtant pouvoir faire la lumière sur la date exacte de la mort des sept religieux. Le communiqué envoyé par le GIA à la radio marocaine pour revendiquer l'assassinat est daté du 21 mai 1996. Si la date de la mort des moines avait été confirmée comme antérieure, la responsabilité du groupe islamique dans ce multiple meurtre allait être mise en doute. En octobre 2014, par l'intermédiaire de leur avocat, les familles avaient dénoncé "une confiscation des preuves", arrivant à la déduction que cela représentait un "aveu de responsabilité" de la part des autorités algériennes qui avaient, en outre, refusé l'organisation d'auditions de certaines personnes liées à l'enquête. Alger s'était défendue en assurant qu'elle mènerait elle-même les auditions et transmettrait les résultats à la France. Aucune information n'a été jusqu'ici communiquée.
A cet épineux dossier, vient s'ajouter l'affectation, en septembre 2015, du juge Trévidic au Tribunal de Grande Instance de Lille. Après 10 années d'instruction au pôle antiterroriste, le magistrat se voit en effet contraint de changer de fonction. Un départ que craignent les familles et Me Baudouin.
Aujourd'hui, le 2 juillet, le juge Trévidic a décidé de présenter aux familles les résultats des expertises. Il en profitera pour faire le point sur les nombreux blocages et quelques avancées de l'enquête.
S.T. (avec AFP/Radio Vatican/La Croix)
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