Depuis quelques jours, les médias se focalisent sur le la situation dramatique des milliers de migrants qui, depuis Calais, tentent d'entrer en Grande-Bretagne. Par tous les moyens, et parfois au péril de leur vie. Que faire face à cette problématique particulièrement complexe ?
Plus de 1000 "tentatives d'intrusions" de migrants ont été bloquées dans la nuit du jeudi 30 au vendredi 31 juillet, sur le site du tunnel sous la Manche à Calais (nord de la France). Alors qu'à Londres, le Premier ministre britannique David Cameron était vertement critiqué pour avoir évoqué une "nuée" de clandestins cherchant à rejoindre le pays.
Les migrants, qui ont commencé à courir vers 21h00 (19h00 GMT) le long des voies ferrées, par vagues et de manière désordonnée pour tenter de déjouer la vigilance de la police, ont été bloqués sous un pont par un cordon de gendarmes mobiles.
Parallèlement, la polémique engendrée par la crise des derniers jours s'est déplacée vers le Royaume-Uni, où une volée de bois vert s'est abattue sur le Premier ministre conservateur. Interviewé par la télévision ITV en marge d'une visite officielle au Vietnam, M. Cameron a déclaré que la situation à Calais était "très difficile parce qu'une nuée de migrants traverse la Méditerranée à la recherche d'une existence meilleure, et cherche à venir au Royaume-Uni parce qu'il y a du travail, que son économie est en pleine croissance et que c'est un endroit incroyable pour vivre". "Il devrait se rappeler qu'il parle d'êtres humains et non d'insectes", a aussitôt réagi Harriet Harman, leader par intérim de l'opposition travailliste en Grande-Bretagne.
Peter Sutherland, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour les migrations, a regretté sur la BBC un "débat excessif sur la question de Calais" au Royaume-Uni. "Entre 5.000 et 10.000 personnes vivent dans des conditions terribles à Calais. Au lieu de penser à envoyer des soldats ou de construire des clôtures, nous devrions d'abord nous occuper de cette crise humanitaire", a-t-il ajouté.
M. Cameron va présider vendredi une réunion d'urgence du comité Cobra, constitué de ministres et de responsables de la sécurité, tandis que le gouvernement britannique a promis d'allouer quelque 7 millions de livres (10 millions d'euros) pour améliorer le système de clôtures au terminal de Coquelles (nord de la France).
Depuis des semaines, l'Eurotunnel fait l'objet de multiples tentatives de passage de migrants, prêts à tout pour gagner la Grande-Bretagne, pour y chercher un avenir meilleur. Depuis le début de l'année 2015, Eurotunnel a intercepté plus de 37.000 migrants, venus principalement d'Afrique de l'Est ou du Moyen-Orient, le plus souvent de manière clandestine. Cette situation vire de plus en plus fréquemment au drame, comme dans la nuit du mardi 28 juillet, où un clandestin soudanais a trouvé la mort. Jeudi 30 juillet, la justice française a annoncé qu'un autre migrant est décédé mardi après s'être blessé à la tête deux jours plus tôt en sautant d'une plateforme sur une navette sur le point de s'engouffrer dans le tunnel. Ce nouveau décès porte à dix le nombre de tués sur le site depuis début juin.
Des questions fondamentales
Pour renforcer la sécurité, le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve avait annoncé mercredi l'arrivée sur place de 120 policiers supplémentaires, en appui du contingent de 300 déjà déployés. De son côté, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a déploré la "situation humainement épouvantable" des migrants de Calais et appelé à oeuvrer au-delà du renforcement des forces de police françaises et britanniques. "Il faut en même temps travailler avec les pays d'origine et puis il faut que l'Europe s'organise vraiment", a-t-il plaidé.
On en revient donc à la problématique complexe de la politique européenne en matière d'immigration, et de l'Europe qui peine à prendre des décisions consensuelles en terme d'accueil des migrants. Si l'accueil de toutes les situations de détresses, y compris économiques, n'est sans doute pas possible, l'Europe est toutefois renvoyée aux autres aspects de la politique, notamment celle de sa coopération au développement en faveur des pays en difficulté, et de ses relations avec les Etats où subsistent des injustices et des manquements flgrants en terme de droits humains.
Vers une justice intégrale
On le sait, la logique économique a tendance à prendre le pas sur tous les autres aspects, ce qui pousse l'Union européenne, et les Etats européens, à accepter de facto des situations inacceptables dans certains pays. Ces situations peuvent être le fait de dictatures, mais d'autres sont le résultat d'une injustice économique internationale, engendrée par la toute-puissance de certaines multinationales, poursuivant des intérêts particuliers et le profit à tout prix.
Que peuvent faire l'UE et nos pays contre de telles logiques, qui ne poursuivent pas le bien commun de l'humanité - qui inclut la dimension politique, économique, sociale et également écologique? Nous sommes ainsi renvoyés à des questions fondamentales, comme le rappelle notamment l'encyclique du pape sur l'écologie, Laudato si. L'appel du pape à un gouvernement mondial juste et efficace prend tout son sens face au problème de la migration, et des problématiques complexes qui sous-tendent ce problème particulier, qu'on ne peut donc isoler de tous les autres.
Le problème de l'immigration en Europe ne trouvera de solution efficace, réaliste et vraiment humaine que si les injustices économiques, sociales et politiques mondiales trouvent des solutions "intégrales" et contraignantes, tant pour les Etats que pour les acteurs économiques qui possèdent des ramifications internationales.
C.H. (d'après AFP)