Après trois jours passés en Equateur, première étape de son voyage apostolique en Amérique latine, le pape est arrivé mercredi en Bolivie. Sur cette « terre bénie », présidée par l’atypique Evo Moralès, le pape a appelé à dialoguer pour éviter les conflits.
C’est sur le tarmac de l’aéroport le plus haut du monde, situé à plus de 4.000 mètres d’altitude, que le pape a été reçu par le président bolivien Evo Morales et reçu les honneurs militaires. Avec des accents très politiques, le président d’origine aymara a souligné que le christianisme et la révolution sociale se rejoignaient sur de nombreux objectifs: unité, sacrifice, amour du prochain, condamnation de l’égoïsme, volonté de combattre les abus et les humiliations de l’être humain. « A de nombreuses reprises dans l’Histoire, l’Eglise a été utilisée pour la domination, la subversion et l’oppression. Aujourd’hui, le peuple bolivien te reçoit avec joie et espérance, et te souhaite la bienvenue comme plus haut représentant de l’Eglise catholique, qui vient en Bolivie pour soutenir la libération de notre peuple », a lancé Evo Morales au pape, sans oublier de rappeler que la Bolivie est un pays qui « a été amputé de son accès à la mer », une revendication politique récurrente et source de tensions avec les pays voisins.
Beauté et unité dans la diversité
François a ensuite pris la parole, se réjouissant de se « trouver dans ce pays d’une beauté singulière, béni par Dieu dans ses diverses régions: le haut-plateau, les vallées, les terres amazoniennes, les déserts, les lacs incomparables (…), dans cette patrie qui se définit comme pacifique, qui promeut la culture de la paix et le droit à la paix ». Pour le Pape, la Bolivie est « une terre bénie dans ses habitants, avec sa réalité culturelle et ethnique bigarrée, qui constitue une grande richesse et un appel permanent au respect mutuel et au dialogue: peuples autochtones millénaires et peuples autochtones contemporains (…) pour donner beauté et unité dans la diversité ».
Rappelant l’importance de prendre soin des plus jeunes (le futur d’une société) et des personnes âgées (la mémoire), François a souhaité « encourager la vocation des disciples du Christ à communiquer la joie de l’Evangile, à être sel de la terre et lumière du monde », sans pour autant oublier « l’option préférentielle » de l’Eglise pour les exclus.
Ne pas confondre bien commun et bien-être
Un peu plus tard, devant les autorités civiles boliviennes à la Paz, le pape François a appelé à œuvrer en faveur du « bien commun », à ne pas confondre, a-t-il souligné, avec le « bien être » qui « fait référence seulement à l’abondance matérielle, tend à être égoïste, à défendre les intérêts de parties, à ne pas penser aux autres, et à se laisser porter par la tentation du consumérisme. » « Le bien commun, au contraire », a insisté le Saint-Père, « est supérieur à la somme des intérêts particuliers (…) et il comprend tout ce qui donne cohésion à un peuple: objectifs communs, valeurs partagées, idéaux qui aident à élever le regard au-delà d’horizons individuels. »
Le pape François a aussi exhorté les nations à ne pas « se replier » sur elles-mêmes, et alors que certaines tensions ternissent actuellement les relations entre la Bolivie et le Chili, le Saint-Père a rappelé que « le développement de la diplomatie avec les pays voisins, dans le but d’éviter des conflits entre des peuples frères et de contribuer à un dialogue franc et ouvert sur les problèmes est aujourd’hui indispensable ». « Je suis en train de penser à la mer », a-t-il déclaré, en sortant de son texte. « Le dialogue est indispensable. Il faut construire des ponts plutôt qu’ériger des murs. Tous les thèmes, aussi épineux soient-ils, ont des solutions communes, raisonnables, équitables et durables. »
L’Eglise est la servante de la lumière de l’Evangile
Dans ce discours, le Saint-Père a également insisté sur le défi de l’unité de la solidarité et de la responsabilité entre les personnes, de l’unité et du développement de la société et de l’intégration. « Dans cette terre où l’exploitation, l’avidité, les multiples égoïsmes et les perspectives sectaires ont jeté des pans d’obscurité sur son histoire, aujourd’hui, ce peut être le temps de l’intégration. Aujourd’hui, la Bolivie peut créer de nouvelles synthèses culturelles ». Et l’Eglise a là un rôle important à jouer. Les chrétiens sont ainsi « appelés à être levain au milieu du peuple », à apporter « leur propre message à la société ». « La lumière de l’Evangile du Christ n’est pas la propriété de l’Eglise; celle-ci en est plutôt la servante, afin que cette lumière atteigne les confins du monde. » Le Saint-Père a donc appelé à « reconnaître le rôle spécifique des religions dans le développement de la culture et les bienfaits qu’elles peuvent apporter à la société. »
Ecologie intégrale
Lors de cette intervention, le pape François a aussi évoqué la nécessité de poser « les bases d’une écologie intégrale, qui comprenne clairement toutes les dimensions humaines dans la résolution des graves problèmes socio-environnementaux de nos jours ». Pour cela, « puisque tout est lié, nous avons besoin l’un de l’autre. » « Si la politique se laisse dominer par la spéculation financière ou si l’économie s’aligne seulement sur le paradigme technocratique et utilitariste de la production maximale, on ne pourra même pas comprendre, et encore moins résoudre les grands problèmes qui affligent l’humanité ».
P.G. (avec Radio Vatican)
Photo: le pape François et le président bolivien Evo Morales