Le Centre interfédéral pour l’égalité des Chances vient de publier son rapport annuel. Ce document permet ainsi de prendre le « pouls de la société » quant à sa capacité de vivre ensemble. Et de ce point de vue, beaucoup trop de cas de discriminations persistent de nos jours. Plus inquiétant, cette discrimination se double de plus en plus souvent d’actes violents.
Un chauffeur de bus qui passe un arrêt où attendait un groupe d’Africains, un bourgmestre qui diffuse de la musique à plein volume près d’un terrain où s’étaient installés des gens du voyage, un commerçant qui interdit l’accès à son magasin à une dame handicapée accompagnée de son chien d’assistance ou bien même deux dames refusées pour un cours de danse réservé aux couples… Voilà quelques exemples concrets de discriminations vécues et rapportées auprès du Centre pour l’égalité des Chances. En 2014, cet organisme a enregistré 4.600 cas de discriminations supposées, soit 900 de plus que l’an passé. Une hausse que l’on peut aussi expliquer par le fait que les victimes osent davantage signaler leur cas.
Quatre dossiers sur dix concernent des discriminations d’ordre racial
Comme les années précédentes, ce sont les signalements liés à des critères dits « raciaux » (nationalité, couleur de la peau, ascendance, origine nationale ou ethnique) qui constituent toujours la majorité des dossiers. Ils sont même en augmentation de 30% et, plus grave encore, se manifestent de plus en plus par de nombreux passages à l’acte et par des faits de violence graves sur les personnes. Et dans ces critères raciaux, on note une recrudescence des actes antisémites (en hausse de 50%) en particulier sur internet mais dont l’attentat au musée juif de Bruxelles en fut l’illustration la plus dramatique.
Trop de handicapés placés en institution
Après les critères dits « raciaux », c’est la discrimination en raison d’un handicap et – dans une moindre mesure – de l’état de santé qui amène les gens à s’adresser au Centre. Cela représente un dossier sur cinq, en augmentation de 25% cette année. Cette difficulté qu’a la Belgique à intégrer les handicapés avait déjà été relevée par le Comité des Nations Unies pour les droits des personnes handicapées. Le Centre le confirme dans son rapport, parlant même de problèmes « quasi insurmontables » rencontrés au quotidien par les personnes handicapées pour se déplacer, travailler, apprendre. Et de citer en exemple l’obligation pour ces personnes de demander une assistance 24 heures à l’avance si elles veulent se déplacer en train, de par l’inaccessibilité des quais ou des trains.
Le rapport pointe aussi du doigt le taux d’emplois trop faible des personnes handicapées (40% contre un taux moyen de 67% pour l’ensemble des 20-64 ans) et le nombre très élevé de personnes handicapées placées en institution. Et le fait que, faute d’aménagements raisonnables dans les écoles de l’enseignement ordinaire, beaucoup d’élèves présentant un handicap sont systématiquement orientés vers l’enseignement spécialisé.
Bref, cinq ans après la ratification de la Convention des Nations Unies, et même si des améliorations ont été enregistrées, la Belgique reste loin des engagements pris pour garantir totalement les droits des personnes handicapées. La prochaine évaluation aura lieu en 2019. Le Centre estime qu’il est grand temps d’y travailler si notre pays ne veut plus figurer parmi les mauvais élèves du Comité des Nations Unies.
Omniprésence de l’islamophobie
Jute derrière le handicap, c’est la discrimination pour un motif philosophique ou religieux qui concentre 16% des signalements au centre. Avec une omniprésence de l’islamophobie puisque neuf dossiers sur dix concernent des personnes musulmanes et 20% d’entre eux concernent le port du voile ou la pratique religieuse. A l’instar de l’antisémitisme, l’actualité récente a joué un rôle très important dans ces cas de discrimination.
Finalement, seuls les cas de discrimination liée à l’orientation sexuelle sont en baisse. Ils ne représentent que 4% des dossiers dont les deux-tiers laissent présumer une intention homophobe.
A noter enfin que les hommes ont été plus nombreux que les femmes à se tourner vers le Centre (62% contre 38%).
P.G.
Lire le rapport complet du Centre pour l’égalité des chances