La plus grande fédération d'Eglises protestantes en France a adopté, ce dimanche 17 mai, la possibilité de bénir les couples homosexuels. Cette décision a été prise au cours d'un synode réuni dans la ville de Sète.
Les délégués présents à ce synode avaient proposé que cette éventuelle décision fasse l'objet d'un vote, qui a donc effectivement eu lieu. Sur la centaine de votants, nonante-quatre se sont prononcés en faveur d'une telle possibilité, et trois seulement s'y sont opposés, a indiqué le porte-parole de l'Eglise protestante unie de France.
D'importantes communions protestantes d'Europe (Espagne, Italie...) et d'Amérique du Nord, ont déjà rendu possible la bénédiction de couples de même sexe. En France, la Mission populaire évangélique, beaucoup plus petite que l'Eglise protestante unie, était jusqu'à présent la seule Eglise à autoriser un "geste liturgique d'accueil et de prière" pour les homosexuels, une pratique qui reste cependant marginale.
"Le Synode est soucieux à la fois de permettre que les couples de même sexe se sentent accueillis tels qu'ils sont et de respecter les points de vue divers qui traversent l'Eglise protestante unie", indique un communiqué de l'EPUdF. "Une telle bénédiction est bien une possibilité ouverte, elle n'est ni un droit ni une obligation. En particulier, elle ne s'impose à aucune paroisse", a encore précisé ce communiqué.
Avant le synode, quelque 150 pasteurs et conseillers presbytéraux avaient signé un appel aux délégués à ne pas statuer "dans la hâte de répondre à la pression de la société et l'évolution de ses moeurs", affirmant craindre "de profondes déchirures". L'Eglise protestante unie de France, qui incarne le courant historique du protestantisme français, regroupe Luthériens et Réformés (d'inspiration principalement calviniste). Elle compte au total 500 pasteurs, revendique 110.000 membres actifs parmi 400.000 fidèles. Le protestantisme est la quatrième confession en France derrière le catholicisme, qui reste dominant malgré une pratique religieuse en baisse, l'islam et le judaïsme.
A la suite de cette décision, certaines voix au sein du protestantisme français s'élèvent pour dénoncer ce qu'elles considèrent comme une dérive, au regard de certains textes bibliques notamment. La question d'une bénédiction de couples homosexuels divise les protestants français, tout comme elle le fait dans d'autres régions du monde, et au sein d'autres confessions chrétiennes, comme l'Eglise catholique ou les Eglises anglicanes.
On peut noter la prudence du synode de l'EPUdF, qui n'impose nullement cette décision, mais la propose comme une possibilité. En dernier ressort, chaque pasteur et chaque communauté locale décidera de la mise en oeuvre, ou non, de cette proposition. A ce propos, il faut souligner que, dans l'ecclésiologie (la compréhension théologique de la nature de l'Eglise et de son "fonctionnement", ndlr.) protestante, il n'y a pas, à proprement parler, de magistère habilité à prendre des décisions dogmatiques, ou pastorales, contraignantes pour l'ensemble de ses composantes, pasteurs et communautés.
Rappelons enfin que, pour les Eglises protestantes, le mariage n'est pas, à proprement parler, un sacrement. Même si, dans la décision qui vient d'être prise par l'EPUdF, il n'est pas question de mariage, l'arrière-fond théologique de cette position est différente de celle de l'Eglise catholique. Pour cette dernière, un mariage sacramentel entre personnes de même sexe est inenvisageable, au vu de sa conception très précise de ce qui est constitutif d'une telle union. Sur la question d'une éventuelle bénédiction, donc non sacramentelle, de couples de même sexe, le magistère de l'Eglise ne s'est pas exprimé formellement. Mais, vu qu'il existe un risque réel de confondre une telle bénédiction avec un mariage à proprement parler, la reconnaissance d'une telle pratique liturgique est estimée inopportune par bon nombre d'évêques et autres responsables d'Eglise.
C.H. (d'après Belga)
Photo : (c) EPUdF