Drame du Heysel: trente ans après, la Belgique se souvient


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Drame du Heysel: trente ans après, la Belgique se souvient
Par Pierre Granier
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
5 min

Heysel-in memoriamEn ce 29 mai, la Belgique commémore la tragédie du Heysel et se replonge dans le cauchemar vécu il y a trente ans due à la barbarie de centaines de hooligans. Suite à ce drame, des mesures drastiques ont été prises pour améliorer la sécurité dans et à l'extérieur des stades. Mais la violence, elle, n'a pas quitté les tribunes de foot.

Ce devait être une grande fête autour d'un prestigieux match de football, entre les anglais de Liverpool et la Juventus de Turin emmenée par Michel Platini. Ce fut une tragédie humaine qui reste toujours incompréhensible, trente ans après : comment peut-on mourir pour un match de football ? Une honte aussi. Malgré les 39 morts et les 454 blessés, le match fut quand même joué. Certains continuent à penser que c'était une bonne décision pour éviter des émeutes encore plus meurtrières alors que les forces de l'ordre étaient complètement dépassées par les événements.
Ce matin, à 10 heures, au stade Roi Baudouin, la plaque commémorant ce qui fut l'un des pires drames de l'histoire de la Belgique a été fleurie par les ambassadeurs italien et britannique. Des dizaines de supporters de la Juventus étaient également présents – 34 italiens sont morts ce jour-là - ainsi que l'ancien joueur Sergio Brio, des journalistes étrangers et de nombreux représentants de la Croix-Rouge. Comme pour tous les grands événements, l'organisation était en première ligne pour le match. Et les bénévoles qui ont vécu cette soirée apocalyptique sont encore marqués aujourd'hui. C'est le cas de Jacques Van Camp, qui était alors chef du service central des ambulances et du dispatching. Sur le site de la Croix-Rouge, son témoignage résume à lui seul toute la tragédie de cette soirée. "Depuis mon arrivée au siège, j’avais une mauvaise intuition (…) Au fil des heures qui nous rapprochaient du match on sentait la tension monter et j’augmentais le nombre de secouristes et d’ambulances en stand-by. Quand l’alerte a été enclenchée, tout le monde était ainsi mobilisé. En catastrophe nous avons monté 4 tentes au Heysel pour abriter les corps. Il y avait des blessés par centaines, un fleuve de blessés, qui étaient soignés à même le sol… Pendant que le match se jouait, les morts étaient évacués en ambulances… J’en rêve encore la nuit. Ce fut un des pires jours de ma vie avec la catastrophe de l’Innovation en 1967 qui fut ma première intervention secours."
Un des pires jours pour le football aussi qui vivra pourtant d'autres catastrophes par la suite, notamment le 15 avril 1989 à Sheffield où 96 personnes ont trouvé la mort (la plupart ayant été écrasées contre les clôtures) et 766 autres ont été blessées avant le coup d'envoi du match entre Liverpool et Nottingham Forest.

Un tournant

L’événement du Heysel marque cependant un tournant en matière de sécurisation des stades. Trois mois après cette funeste soirée, le Conseil de l’Europe avait rédigé un document qui constituait "un instrument international pour prévenir la violence et permettre un contrôle efficace de la foule". Les mesures qu'il préconisait seront alors transposées dans les législations nationales. La billetterie et la vente d'alcool sont contrôlées, les supporters séparés, les stewards font leur apparition. Les mesures répressives, la vidéosurveillance, la reconnaissance se développent. De son côté, les responsables du foot international décident d'augmenter les prix des billets. On privilégie le côté élitiste au détriment du public populaire mais pourtant passionné. Et cela semble fonctionner. Sauf que la violence n'a pas été éradiquée du foot. En Angleterre où les efforts ont été les plus importants, les hooligans n'ont pas disparu. Ils sont moins visibles; ils ont déserté les équipes de prestige de la Premiere League pour les clubs de divisions inférieures. Et en Belgique, l'immense banderole déployée récemment par certains supporters du standard de Liège (montrant le joueur Steven Defour avec la tête décapitée) illustre bien une fois de plus que le foot continue de servir d'exutoire à toutes les dérives de notre société. Dans l'enceinte d'un stade, plus personne ne s'offusque des formes d'irrespect, de haine, de racisme. Pire, quand on balance des bouteilles sur les supporters adverses ou sur l’arbitre, ce n’est pas considéré comme un délit mais comme des "débordements" propres au phénomène collectif de la foule. Il y a parfois des sanctions, le plus souvent prises contre le club. Mais quid des mesures éducatives ? C'est ici que le bât blesse. On banalise des comportements intolérables.

Eduquer

Force est de constater que ce football qui ne manque pas de vertus (dépassement de soi, sens du collectif…), est surtout devenu un investissement qui rapporte des milliards. Les belles paroles de la FIFA (Fédération internationale des associations de football) prônant le respect entre les équipes et les supporters ne semblent plus vraiment sincères, surtout au vu des accusations de corruptions qui pèsent sur certains de ses représentants. L'enjeu financier est tel que les dirigeants sont moins préoccupés par l'aspect sportif et l'éthique. Or, tant qu'ils ne feront pas le nécessaire pour éduquer ses spectateurs et ses joueurs, le football subira ces excès qui le gangrènent en profondeur et le rend aujourd’hui malsain. Il y a déjà eu assez de victimes pour éveiller les consciences. Il faut passer aux actes.
Dans l'imaginaire commun à de nombreux pays, le football est comparé à une religion et les stades à des temples. Pourquoi pas ! Mais à condition d'y retrouver la même ferveur doublée du même vrai respect. Cela existe dans d'autres sport alors, ne désespérons pas !

Pierre Granier

Catégorie : Belgique

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