Sur les 2 millions d’Arméniens vivant en 1914, 1,5 million ont été assassinés par les agents du gouvernement unioniste, noyau de la Turquie moderne. Cent ans plus tard, les Arméniens se souviennent et luttent toujours pour la reconnaissance de ces crimes.
Le 24 avril 1915 est la date symbolique qui marque le début du génocide arménien. Ce jour-là, 650 personnalités arméniennes sont arrêtées par les agents du gouvernement unioniste. Un gouvernement qui est au pouvoir depuis le coup d’Etat de janvier 1912. Ces 650 personnalités, principalement des intellectuels et des responsables politiques, sont déportés près d’Ankara, où ils seront, pour la plupart exécutés. Ils rejoignent ainsi les victimes des crimes de masse qui ont commencé au début de la même année contre les notables arméniens, visant à détruire toute résistance de la communauté.
Ces faits marquent donc le début d’un génocide qui va décimer les trois quarts de la population arménienne de l’époque. Cent ans plus tard, à l’occasion de la commémoration de ce génocide toujours nié par ceux qui l’ont commis, c’est-à-dire les agents de la future Turquie moderne, une question taraude les consciences: pourquoi les pays européens n’ont-ils rien fait? Les calculs diplomatiques et les enjeux impérialistes entre des Etats concurrents expliquent en grande partie leur passivité, mais ils ne laissent pas les consciences indemnes. Au-delà des calculs, il y avait des hommes, chrétiens ou non, et au-delà de ces hommes, un idéal d’humanité qui a été assassinée. Aujourd’hui, les massacres commis contre d’autres Chrétiens dans les mêmes régions, nous posent à nouveau la question. Cette fois, nous ne pourrons nous abstenir d’y répondre, sans remettre profondément en cause l’idée d’humanité que nous avons élaborée au cours du 20e siècle et l’arsenal juridique mis en place pour défendre les droits de l’homme.
Commémorations à Yerevan, Bruxelles et Istanbul
Les commémorations des cent ans du génocide arménien seront à l’image de la communauté arménienne: éclatées en différents lieux de la planète. Toutes convergent cependant vers la date symbolique du 24 avril 2015. En Arménie, des commémorations se sont déroulées dès ce 22 avril, mais c’est ce matin du 24 avril que se tient la cérémonie de commémoration au mémorial de Tsitsernakaberd sur les hauteurs de la capitale Yerevan (photo), en présence de délégations étrangères.
Prière œcuménique et Belgique
Chez nous, un concert de l’Orchestre national de Belgique au Palais des Beaux Arts se tiendra le 26 avril à 20h avec Ara Kachaturian et de prestigieux solistes. On peut aussi aller au Musée de la Photographie de Charleroi qui présente une exposition intitulée « Les Arméniens. Images d’un destin » (jusqu’au 15 mai 2015), tandis qu’un cycle Atom Egoyan sera organisé à la Cinematek durant tout le mois de mai.
Le point d’orgue de cette commémoration en Belgique a lieu à Bruxelles avec la cérémonie au Monument de la place Michaux (Ixelles), le 24 avril, tandis qu’au Hay Doun (Laeken), une soirée sera organisée avec la participation de la cantatrice Talar Dekrmanjian. Enfin, une prière oecuménique aura lieu à la cathédrale des Saints Michel et Gudule le mardi 28 avril à 20h, avec la participation des Eglises de Belgique.
Commémoration… en Turquie
Et en Turquie? L’AGBU (L’union générale des Bénévoles arméniens) et l’EGAM (le Mouvement anti raciste Européen), mèneront une délégation à Istanbul composée de jeunes de toute l’Europe pour commémorer l’événement sur les lieux mêmes du génocide, place Taksim le 23 avril, à 19h15, à l’heure où Yerevan entamera son concert classique. Célébrations également à la gare Haydarpasha d’où les leaders de la communauté arménienne ont été déportés, et sur la tombe de Sevag Balicki, un jeune Arménien assassiné le 24 avril 2011 pour son appartenance à la communauté arménienne. A noter que les commémorations en Turquie ne sont autorisées que depuis 2010.
Laurence D’HONDT / MVL
Photos: Une femme agenouillée près de son enfant, morte dans un champ lors de la fuite vers la Syrie – source: Wikipedia (image libre de droits) et Mémorial de Tsitsernakaberd sur les hauteurs de la capitale Yerevan – (c) Laurence d’Hondt
Retrouvez le dossier complet sur les commémorations à l’occasion du centenaire du génocide arménien dans votre journal Dimanche n°16 du 26 avril 2015.
En radio, réécoutez l’émission Il était une foi diffusée le dimanche 19 avril 2015 sur La Première. Eric Cooper a rencontré Christian Vrouyr, le Président du Comité des Arméniens de Belgique et Nara Noïan, chanteuse, pianiste et comédienne d’origine arménienne, reconnue dans le paysage musical bruxellois.