Mgr Jean-Pierre Delville, évêque référent pour les rapports entre l’Eglise et l’Etat, s’est exprimé suite à l’arrêt de la Cour constitutionnelle de ce 12 mars. Depuis cette date, les élèves qui en font la demande pourront être dispensés de suivre le cours de morale ou de religion dans l’enseignement officiel. L’évêque de Liège a tenu à rappeler l’importance de continuer à enseigner les traditions.
Est-ce important que les cours de morale et de religion restent dans la sphère de l’école?
C’est très important que ces cours soient donnés au sein de l’école pour former les jeunes aux valeurs les plus importantes de leur vie et de la vie en société, car c’est à partir de ces racines que se tisse notre vie sociale. A partir des différentes traditions, le jeune va pouvoir faire son propre cheminement.
Je pense que ce n’est pas simplement en imposant un cours de citoyenneté que l’on va résoudre le problème, au contraire. On risque alors de créer un cours très théorique, détaché de toutes les racines culturelles et religieuses, et qui risquent d’ennuyer le jeune.
Le cours de religion doit être un cours actif, dynamique, permettant le dialogue et permettant un cheminement personnel. Beaucoup de jeunes m’ont dit: « C’est parfois le seul lieu dans une école où on peut vraiment discuter à cœur ouvert« . Et donc, je crois qu’il est très important de continuer à valoriser ce cours dans sa pédagogie actuelle.
Si on en revient à la décision de la Cour Constitutionnelle, quelles pourraient être les conséquences d’une telle décision?
C’est en effet un problème qui n’est pas simple. Comment organiser un cours pour lequel des élèves ont demandé la dispense? Ces élèves sont subitement sans cours à suivre, sans suivi, sans accompagnement pédagogique. Comment faire aussi le calcul des résultats si ces cours interviennent dans le total des points?
Il faudrait s’inspirer de la Flandre où, depuis plusieurs années, des parents peuvent demander une dispense pour les cours philosophiques et de religions. Je pense qu’on ne peut pas appliquer ces mesures les yeux fermés sans se rendre compte des conséquences pédagogiques.
Pensez-vous que le pacte scolaire qui est en place depuis 1958 pourrait un jour être mis à mal?
Evidemment, cela demanderait une révision de la Constitution qui nous a permis en Belgique d’organiser des cours de morale et de religion dans l’enseignement officiel et de leur donner cette valeur profonde au niveau social et au niveau spirituel, évitant ainsi de faire de l’enseignement quelque chose de fonctionnel. C’est une grande chance, et je crois qu’il serait vraiment mal venu de modifier cela. Surtout dans les circonstances actuelles où des jeunes ont vraiment besoin de nourrir leur vie à des sources d’espérance et à des sources d’inspiration pour construire une vie dans le sens de l’amour; une vie intégrée, impliquée et engagée dans la dimension de l’amour. C’est très important que cet aspect-là soit présent dans l’école à travers les cours tels qu’ils sont construits actuellement.
Si je me fais l’avocat du diable, ne pensez-vous pas que ces valeurs universelles vont pouvoir être enseignées dans ce futur cours de citoyenneté?
Non, pas du tout. On ne peut enseigner des valeurs à partir des racines religieuses que si nous les vivons personnellement. Il faut donc que le professeur de religion ait une position qui lui permette d’être inspiré quand il donne cours; sinon, il n’enseignera qu’une approche un peu « folklorique », sociologique des religions.
Je pense qu’il est très important d’être inspiré de telle ou telle religion pour pouvoir faire passer des messages importants au niveau social dans une pédagogie libre et respectueuse des enfants et des jeunes, mais qui leur parle aussi à partir d’un héritage reçu. Comme le disait un philosophe: « Si nous déshéritons nos enfants de l’héritage culturel et religieux que nous avons reçu, nous les lançons dans la vie sans outils, sans structure et sans accompagnement« .
L’héritage que nous avons reçu nous permet de nourrir notre vie sociale. Celle-ci n’est pas simplement un ensemble de fonctionnements juridiques ou sociologiques, c’est aussi une inspiration qui a de profondes racines spirituelles. C’est pour cela qu’on ne doit pas y renoncer.
Propos recueillis par Sylviane BIGARÉ
Retrouvez le dossier spécial de la rédaction sur « Quels changements pour l’enseignement officiel? » dans le journal Dimanche n°11, en vente par abonnement ou sur la Boutique MCBF.