C’est dans les années 70 que sont arrivés à Bruxelles les premiers exilés chaldéens. Ils venaient de Turquie.
Responsable pastoral de cette importante communauté, le Père Musa Yaramis nous explique comment elle s’est établie ici. «Les chrétiens quittaient ce pays pour des raisons religieuses car, à cause de leur religion, ils ne pouvaient pas monter dans l’échelle sociale ni vivre leur foi librement et sans peur. Les parents qui voulaient assurer un bon avenir à leurs enfants se sont exilés en France, en Belgique, au Danemark…»
Le premier évêque, venu de Suède fin 1987, a pu célébrer à l’église de Saint-Josse, en partageant ce lieu de culte avec la paroisse catholique. Peu à peu, les fidèles chaldéens se sont installés dans plusieurs communes, Saint-Josse, Schaerbeek, Etterbeek et Ixelles et ce point de ralliement est pratique. Mais la répartition des horaires avec leurs frères «latins» a parfois été délicate car l’année liturgique est différente et la célébration des grands saints n’est pas aux mêmes dates. D’où l’idée de demander une église pour sa communauté qui s’est considérablement agrandie ces dernières années, en raison des persécutions en Irak, puis en Syrie.
«Ayant entendu dire qu’à Schaerbeek, Sainte-Thérèse risquait d’être fermée, je suis allé voir. Je l’ai trouvé belle, bien placée et facile d’accès, propre et en bon état; son architecture est tout à fait compatible avec les spécificités de notre liturgie.»
Soutenu par les paroissiens qui ne voulaient pas que leur église soit désacralisée pour devenir un bâtiment «laïc», le père Musa a plaidé cette cause auprès de Mgr Léonard, qui a donné son accord à condition qu’une messe dominicale soit maintenue pour les francophones. Les fidèles chaldéens peuvent maintenant y célébrer chaque dimanche, ils sont plus de 200… et près de 500 lors des grandes occasions!
Avant de nous séparer, leur pasteur confie ce qui pèse sur son cœur: «Pour nous, Chrétiens orientaux, c’est très dur de voir fermer des églises, on en a trop vu transformées en mosquées. C’est quelque chose qui reste dramatique.»
Quel rite?
Différent du rite syriaque orthodoxe présent dans l’empire byzantin, le rite chaldéen s’est développé dans l’empire perse. Il a donc été davantage influencé par la culture arabe: peu d’icônes, pas de statues… et directement issu de l’Eglise primitive qui avait calqué ses rites sur celui pratiqué dans les synagogues.
Le chœur de l’église représente la Jérusalem céleste et la place de l’assemblée, la Jérusalem terrestre. Cette liturgie fait vraiment le lien entre la liturgie juive et la liturgie catholique. «Pour les mêmes raisons, le lieu de la Parole et celui du Sacrifice se situent dans des espaces totalement séparés», nous apprend le père Musa.
Quelle histoire?
L’Eglise chaldéenne garde la mémoire de sa fondation, à Babylone, par les apôtres Thomas et Jude-Thaddée. Ces derniers, comme l’avait demandé le Christ, sont venus y annoncer l’Evangile et ont commencé par rencontrer, dans les synagogues, la nombreuse diaspora israélite. En effet, parmi les juifs déportés par Nabuchodonosor au temps de l’Exil, beaucoup avaient fait souche et, lorsque le roi Cyrus proclama leur libération, leurs descendants n’étaient pas tous rentrés s’établir à Jérusalem. Ils n’y revenaient qu’en pèlerinage et sont d’ailleurs mentionnés dans le discours de Pierre, le jour de la Pentecôte, comme «habitants de la Mésopotamie» (Actes 2,9). Il était donc naturel pour les apôtres de s’adresser à ces communautés, pour annoncer Jésus de Nazareth comme le Messie tant attendu.
De plus, l’araméen étant, à l’époque, la langue d’usage dans toute la région, la communication verbale était possible avec l’ensemble de la population. Voilà comment le premier ancrage de cette mission a influencé la liturgie eucharistique de la jeune Eglise locale. Pour les mêmes raisons, l’architecture des églises chaldéennes s’inspire de celle du Temple de Jérusalem avec, notamment, l’esplanade, le lieu de la Parole au milieu de la nef, et le «Saint des saints» où n’entrent que les célébrants.
On remarquera que tous ces éléments ne ressemblent pas non plus à ce que l’on trouve dans les rites orientaux, ni catholique byzantin, ni orthodoxe, pour la même raison: ces derniers ont été institués à partir des influences grecques.
L’Eglise chaldéenne est donc la branche catholique de l’Eglise d’Orient, qui n’avait pas validé le Concile d’Ephèse (431) mais fut reconnue par Rome en 1552.
Sabine PEROUSE – photos: Liturgie de Ste Thérèse, Père Musa Yaramis (c) dr