Pendant le carême, les chrétiens sont appelés à se retirer au désert avec Jésus, pour y prier et jeûner, et à pratiquer l’aumône. Trois aspects, indissociables, du cheminement spirituel. Quel est le sens du jeûne, plus difficile à comprendre pour notre société moderne ?
Mercredi dernier, l’Eglise est entrée solennellement en carême. Le terme « carême » vient du latin Quadragesima dies, c’est-à-dire « le quarantième jour » avant Pâques.
Quarante jours, qui rappellent les quarante jours passés par Jésus au désert, après son baptême par Jean le Baptiste, et avant le début de sa mission, celle d’annoncer la venue du règne de Dieu.
Évocation aussi des quarante ans passés par le peuple hébreu au désert, après son passage à travers la Mer Rouge, et avant son entrée dans la Terre promise.
Même entre-deux, mais qui, dans le cas de Jésus, signifie un accomplissement pour les chrétiens: la marche vers cette terre devient le symbole d’un passage existentiel, celui de notre humanité abîmée vers une vie nouvelle. Cette vie que le Christ a inaugurée en étant plongé dans l’eau du baptême et de la mort, et en renaissant à la pleine communion avec Dieu.
Tel est le sens du carême pour nous: suivre Jésus au désert, pour nous préparer, avec lui, à ce « passage » (que signifie précisément le mot « pâque ») de toutes les morts présentes dans nos vies à la joie d’une existence renouvelée par l’Amour de Dieu, qui nous libère pour lui et pour les autres.
Les trois conseils du carême
C’est pour entrer dans ce processus de libération que l’Eglise nous invite, chaque année, à exercer, à s’exercer à trois pratiques, qui ne sont pas sans rappeler les « conseils évangéliques » de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.
Pendant le carême, nous sommes appelés à faire l’expérience de ces trois conseils que sont l’aumône, la prière et le jeûne.
Dans l’évangile selon saint Matthieu (6, 1-18), on voit Jésus insister sur le fait de pratiquer ces trois actions sans exhibitionnisme spirituel creux, sans hypocrisie, mais avec une réelle volonté de conversion – on dirait aujourd’hui de changement intérieur, afin que Dieu, qui voit dans le secret, nous le rende.
Jésus ne dit rien de ce que Dieu nous rendra, mais le changement intérieur auquel nous sommes appelés, et que les trois pratiques du carême doivent nous aider à concrétiser, semblent bien avoir pour but d’attendre quelque chose que Dieu seul peut nous donner. Jésus ne dit pas non plus ce que sont le jeûne et l’aumône.
Sans doute parce que ces pratiques religieuses étaient plus courantes dans la société israélite de son temps que dans la nôtre. Par contre, il apprend à ses disciples à s’adresser à Dieu comme à leur Père, lorsqu’ils prient, les ouvrant ainsi à une dimension inédite de la relation à Dieu.
Premier conseil : Pratiquer l’aumône durant le carême …
Arrêtons-nous un instant à chacune de ces pratiques. Il est frappant que la première action à laquelle nous sommes appelés est l’aumône.
Si nous voulons changer et recevoir ainsi de Dieu ce qu’il veut nous donner, il nous faut d’abord ouvrir notre cœur à l’autre, aux autres, à ceux qui sont proches de nous comme à ceux qui sont plus loin, en particulier ceux qui sont les plus faibles.
Le partage avec celui qui est dans le besoin suppose et réalise un premier vrai changement, qui consiste à se décentrer de soi-même, à donner une place à l’autre, ne fût-ce qu’un instant, en se détachant d’un bien au profit d’une autre personne. Donner une place à l’autre permet de trouver notre juste place, non pas devant les autres, mais parmi les autres, que je reconnais comme étant d’autres « moi-même ».
Telle est peut-être la première chose que Dieu « nous rend », en réponse à notre aumône: notre juste place dans l’humanité, dans l’ensemble de la création, la possibilité de vivre vraiment en relation, en communauté, qui est source de vie.
Lire la suite dans l’hebdomadaire Dimanche n° 8 daté du 1er mars 2015
Christophe Herinckx (Fondation Saint-Paul)