Cette année, pour le carême de partage, Entraide et Fraternité nous propose d’entrer en communion avec nos frères d’Haïti. Et déjà, on craint d’entendre un murmure confus de désapprobation. Haïti encore? Les Haïtiens n’ont-ils pas reçu déjà assez d’attention, d’aide humaine et financière? Et si Haïti, au contraire, était le plus parfait des exemples de ce que peut signifier carême de partage? Un article pour le site du Diocèse de Liège signé Jean-Yves Buron, animateur régional Entraide et Fraternité.
En mettant Haïti et ses partenaires haïtiens en lumière, Entraide et Fraternité prend un risque, celui de tout remettre en question mais, bien entendu, avec l’espoir de déconstruire nos idées reçues sur la solidarité. Des millions de dollars et des dizaines d’ONG humanitaires ont accouru au chevet de l’île. Pourtant rien ne va vraiment mieux. Pire, cette aide a détricoté le tissu économique local, a déforcé la société civile et privé un peuple de la maîtrise de son destin. Quand la main tendue reste au-dessus de celle qui reçoit, c’est l’enfer qui se pave de bonne intention… L’humanitaire devient un business et les agences internationales décident ce qui est bon pour ceux à qui elles viennent en aide. Le paternalisme, expression de nos préjugés, ne laisse aucune chance à la fraternité.
Un modèle économique fondé sur des valeurs de solidarité et de respect mutuel
Pourtant, Entraide et Fraternité et ses partenaires, démontrent que la solidarité peut se vivre autrement! La «fraternité» s’appelle alors «partenariat». Apparaissent alors la coopération et le renforcement mutuel basés sur le respect, l’écoute et l’échange. Les Haïtiens savent mieux que quiconque ce qui est bon pour eux. Riches de leurs ressources propres, de leurs compétences et des solidarités locales, et renforcés par la générosité de nos communautés chrétiennes, les Haïtiens peuvent reconstruire leur pays. Cette reconstruction est en cours, dans les campagnes.
Ainsi, des Haïtiens travaillent quotidiennement pour rendre les campagnes prospères et mettre fin à un exode rural catastrophique. Par exemple, l’Institut culturel Karl Levêque, une association soutenue par Entraide et Fraternité, encadre des jardins collectifs, des coopératives d’élevage, des boutiques sociales, une boulangerie communautaire, une radio locale et aussi de systèmes de cotisations pour constituer des crédits ou autres fonds. L’ICKL appuie donc ces organisations paysannes dans une logique d’économie solidaire. Ce modèle économique fondé sur des valeurs empreintes de solidarité et de respect mutuel permet de procurer un niveau de bien-être satisfaisant à chacun des acteurs de la société et remet en cause le système néolibéral. Avec la pratique de l’agroécologie, organisée localement et respectueuse des valeurs culturelles et environnementales des paysans, la qualité de l’environnement et le niveau de vie s’améliore. Ainsi, nous pouvons l’affirmer: il n’y a pas de fatalité, Haïti n’est pas maudite, il y a des causes économiques et politiques aux malheurs de l’île.
En Belgique aussi!
En Belgique aussi, ils sont nombreux à remettre en question un modèle économique qui consume l’être humain et détruit l’environnement. Raoul, qui sera en visite dans le diocèse de Liège pendant le carême et qui travaille à l’institut Karl Levêque rencontrera, par exemple, la toute nouvelle coopérative citoyenne «Les Compagnons de la Terre» qui a pour objectif d’expérimenter et de développer de nouveaux systèmes alimentaires et de fonder des micros fermes dans la région liégeoise.
En Haïti, comme en Belgique, comme beaucoup d’organisations et de citoyens, Entraide et Fraternité refuse donc le modèle néolibéral, résiste contre l’injustice et met en lumière les projets exemplaires qui montrent qu’un autre monde est possible. Existe-t-il un plus beau moment, que celui du carême, pour voir naître un nouveau monde?
Jean-Yves Buron
Site internet sur la campagne de Carême 2015 cliquer ICI
www.diocesedeliege.be